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Vu à la télévision Monstres à gogo(s)

janvier 2010 | Le Matricule des Anges n°109 | par François Salvaing

Ne le peignons pas plus noir qu’il n’est, cependant constatons : Timothée raffole des faits divers. Autant il n’apprécie pas qu’on ouvre par eux les journaux télévisés, et que parfois on ne trouve rien d’autre à dire sur le monde pendant un gros quart d’heure (voire plus si calamités), autant il goûte, ce n’est pas ce qui manque, les émissions où l’on dissèque des horreurs perpétrées par des êtres humains sur leurs semblables à titre privé et sur le mode artisanal - pour reprendre la distinction proposée par Monsieur Verdoux, chaplinesque Landru, entre les massacres d’État et ses propres forfaits. Notre héros a même dégoté une chaîne, appelée Planète Justice où les reconstitutions d’enquêtes succèdent, sans relâche autre que publicitaire, aux récits de procès. Monstres à gogo.

C’est dire s’il attend avec appétit la diffusion, un lundi soir d’hiver, d’une émission retraçant le procès d’une infanticide, Véronique Courjault, principale protagoniste de l’affaire des bébés congelés. Le réalisateur, Jean-Xavier de Lestrade, a passionné Timothée en plusieurs occasions, notamment avec le cas, suivi de l’arrestation à la condamnation, d’un écrivain américain soupçonné d’avoir assassiné sa seconde épouse et peut-être, au fait, la première. Passionné, mais pas bouleversé. Or que lui arrive-t-il, ce lundi soir d’hiver ? Timothée se lézarde et vacille, tremble au bord des larmes. Croyait-il que le spectacle allait le conforter dans le lénifiant sentiment de sa normalité ? L’écran, ô stupeur, le renvoie à son propre déficit d’humanité.

L’émission est composée de trois matériaux. 1) Reprise d’images d’actualité depuis juillet 2006 et la découverte, par Jean-Louis Courjault, mari de Véronique, de deux nouveau-nés dans le congélateur familial ; 2) Divers commentaires sur l’affaire dont celui de Jean-Louis Courjault, soupçonné puis disculpé ; 3) Sur le texte pris en sténo en juin 2009, représentation du procès par des acteurs, au premier rang desquels, dans le rôle de l’accusée, laquelle a avoué un troisième infanticide par crémation, une comédienne inconnue, admirable, Alix Poisson.

La meurtrière ne se défend pas, au sens habituel du terme. Elle ne cherche pas à échapper à une peine, mais à comprendre ce qui est arrivé. Trois grossesses à ventre plat, frappées de déni. Au terme inexorable desquelles, trois meurtres immédiatement après les clandestins accouchements. Elle se débat contre ses propres déclarations quand les enquêteurs l’ont mise devant la réalité : les bébés trouvés par son mari étaient les leurs, à preuve irréfutable les ADN. Elle évoque la dynamique de l’interrogatoire à quoi, sous le choc, elle s’était laissé prendre : on lui proposait une explication de sa conduite, elle l’adoptait. Mais non, elle n’a pas consciemment dissimulé. Tout était, et demeure en partie, très confus pour elle. Elle n’a rien éprouvé, rien fait de particulier, elle parle d’un sentiment de vide. Elle ne sait pas, en l’une des occurrences, où elle a trouvé la force, juste après avoir accouché et tué, d’aller chercher à l’école ses deux garçons, Jules et Nicolas. Elle ne sait plus pourquoi elle a dit avoir étranglé, ce qu’aucune constatation médicale ne vient confirmer. Pourquoi, au lieu de se débarrasser des deux derniers cadavres, elle les a mis au congélateur. Pourquoi… Son procès est comme rarement fidèle au sens originel du mot : une marche. Qu’elle n’est d’ailleurs pas seule à accomplir. Jean-Louis Courjault, son mari, s’efforce, lui aussi, immense, de comprendre, sinon d’accepter, le passé et de se projeter avec elle et leurs enfants dans l’avenir. Et de même la mère, une sœur, un frère de Véronique… Tous en travail.

Le réalisateur montre parfois l’actrice dédoublée, triplée même, par son reflet dans la vitre de plexiglas qui dans les salles d’assises isole les accusés du public. Timothée est, lui, décomposé par l’histoire qui se dévoile de Véronique, née elle-même par miracle, cyanosée, le cordon autour du cou, dans une famille nombreuse où on n’annonçait pas plus les naissances à venir qu’on ne fêtait les anniversaires… Une psychanalyste commente : Il faut plusieurs générations pour fabriquer quelqu’un qui va aussi mal.

Il faut plusieurs jours à notre héros pour commencer à se remettre de son vertige. En fin de semaine, heureusement, antidote. Comme tous les dimanches en deuxième partie de soirée, il se campe devant Faites entrer l’accusé. Ce coup-ci, Christophe Hondelatte, conteur aux yeux vides, déballe avec encore plus d’hypocrites pincettes qu’à l’ordinaire, les terrifiants méfaits d’un certain Patrick Tissier : meurtres précédés de viols. Le mot monstre est prononcé à intervalles réguliers par différents intervenants (parents des victimes, policiers, magistrats, journalistes), et souligné comme il se doit par les minauderies de l’Hondelatte. Quelqu’un parle même du démon en personne. Voilà de quoi rassurer - il en était besoin - Timothée. Téléspectateur, tu n’as rien à voir, si l’on ose écrire, avec les faits dont tu viens de te régaler : tu n’es pas un monstre, tu n’as donc pas commis et ne saurais commettre d’actes monstrueux. Et vice versa et CQFD. Toi d’un côté, et de l’autre l’inhumain. Retour à l’obscurantisme, terre ferme. Timothée, un verre dans le nez, le lève, reconnaissant, à l’adresse de l’Hondelatte.

Monstres à gogo(s) Par François Salvaing
Le Matricule des Anges n°109 , janvier 2010.
LMDA papier n°109
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