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Domaine étranger Un conte en or

février 2010 | Le Matricule des Anges n°110 | par Benoît Legemble

Peu connu en France, l’Irlandais Seumas O’Kelly laisse une œuvre dramatique féconde qui ne doit pas éclipser son incroyable don de conteur.

Le Farfadet de Kilmeen (suivi de) Au coin du feu de tourbe

Si l’on devait situer exactement l’œuvre de Seumas O’Kelly (1878-1918), il s’agirait avec embarras de la mettre quelque part entre La Fontaine et Esope. Avec ce dernier, il partage un sens aigu de la parabole et un même amour de la rhétorique. Contemporain de Joyce, la postérité n’a cependant pas réservé le même sort à O’Kelly. Après Attila (La Tombe du tisserand, 2009), saluons donc l’initiative des éditions Anabet qui publient les aventures du Farfadet de Kilmeen dans leur intégralité (une partie avait été publiée séparément en 1910 dans la presse).
Le récit s’ancre autour des tribulations d’un paysan en proie aux plus grands tourments depuis que sa route a croisé celle d’un farfadet passé maître dans l’art de faire tourner en rond ceux que la soif de l’or aveugle. C’est qu’il est dans l’intérêt du gobelin de provoquer d’heureuses rencontres : s’il arrive à semer ceux qui tombent sous son emprise pour lui voler son or, il récoltera d’autant plus d’argent pour renverser l’anathème qui pèse sur lui depuis qu’il a été banni de « Tir na Hog, le pays de l’éternelle jeunesse ». Obsédé par la perspective de redevenir le Grand Homme des Fées qu’il fut et par son désir d’épouser la princesse, le farfadet déploie des trésors d’inventivité pour se payer la tête de Tom Kelleher et ainsi remplir ses marmites jusqu’à obtenir l’équivalent du Mont Saint-Patrick en or. Un objectif qui serait synonyme de liberté et retour à la terre promise une fois atteint : le sortilège serait rompu. Mais derrière les badineries et l’apparente légèreté du conte, le récit dévoile une formidable richesse. Notamment sur le plan rhétorique : si « Tom tenait toujours un discours adapté à son auditoire », c’est qu’il en est ainsi depuis Aristote. O’Kelly se livre à une succession de péroraisons et autres discours dignes des plus grands manuels de l’Antiquité, mais tout en ancrant la démonstration à même le conte. En cela, son œuvre est digne du Decameron de Boccace ou des variations offertes par Marguerite de Navarre : le récit s’opère par le truchement des interlocuteurs qui libèrent la parole et perpétuent la tradition orale issue du folklore. Pourtant, et c’est là une des forces de cette œuvre, il n’est pas question de satisfaire aux conventions : le farfadet, comme l’animal dans les fables de La Fontaine, est un moyen de mettre en exergue les vices des hommes et de régler ses comptes avec le pouvoir en place (en l’occurrence la tutelle britannique) : « Les gens qui rient quand on fait des gaffes et les considèrent comme les plus rares des plaisanteries sont généralement de stupides rabat-joie dépourvus de tout sens de l’humour. Ils rient parce qu’ils sont flattés de penser qu’ils sont capables de s’apercevoir de cette gaffe ! Les membres du parlement anglais, je peux le remarquer, sont toujours ravis quand ils en découvrent une. Ils se sentent alors vertueux et presque intelligents, et ils sont aussi pleins de joie innocente que l’enfant qui comprend son premier jeu de mots dans son livre de comptines. »
À l’art du trait d’esprit et à la méchanceté divine, O’Kelly cumule aussi celui du parfait conteur d’histoires. Il multiplie les effets d’annonce, les parabases dévoilant aux lecteurs ses intentions, et les ellipses narratives - tout en faisant en sorte que le récit reste accessible aux plus jeunes. Mais le récit dévoile toute sa saveur lorsque le farfadet ruine les espoirs de Tom quant à la découverte de la marmite cachée. Le don de l’apologue est de faire bon usage de la parabole et de ménager la chute. Ainsi, le farfadet d’expliquer à Tom qu’il a parcouru le pays pendant des années par monts et par vaux pour trouver la marmite en explorant les espaces les plus lointains sans jamais songer à regarder ce qui l’entourait depuis toujours autour de lui. C’est que « l’homme qui cultive sa propre richesse est un sage et un savant. » Une belle découverte que ce texte, assurément.

Le Farfadet de Kilmeen de Seumas O’Kelly - Traduit de l’anglais (Irlande)
par Patrick Reumaux, Anabet, 242 pages, 19

Un conte en or Par Benoît Legemble
Le Matricule des Anges n°110 , février 2010.
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