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Domaine étranger L’anti-témoin

février 2010 | Le Matricule des Anges n°110 | par Pascal Jourdana

Un récit brillant où la Colombie du XIXe siècle trouve sa vérité douloureuse dans l’interstice entre fiction et réalité.

Histoire secrète du Costaguana

La littérature latino-américaine n’a plus à prouver sa vitalité. Inventivité, narration prise à bras-le-corps, plongée dans la vie sociale et politique, elle est comme le sismographe d’un continent en ébullition permanente depuis deux siècles et offre souvent une réjouissante manière de renouveler la fiction imaginative. Tels sont les romans du Colombien Juan Gabriel Vásquez. Son premier livre, Les Dénonciateurs (Actes Sud, 2008), était un récit construit en un subtil jeu de reflets - entre un père et un fils, une famille et un pays - sur la culpabilité, la trahison, la tyrannie du passé. Avec Histoire secrète du Costaguana il s’agit cette fois encore d’une histoire de doubles. Tellement encombrants que le personnage central, José Altamirano, enfant illégitime « sans état-civil précis », s’interrompt pour affirmer : « À compter de ces pages, j’existe et mon récit se fera désormais à la première personne. Je suis le narrateur. Je suis comme je suis. Moi, moi, moi. » Ils sont en effet nombreux à le priver de la place d’honneur. D’abord son père, Miguel, « dernier homme de la Renaissance », embarqué dans l’aventure puis la débâcle de la construction du canal de Panama dirigé par Ferdinand de Lesseps, et dont le parcours chaotique nourri tout le livre. La république de Colombie, ensuite, « pays schizophrène appelé par la suite Nouvelle-Grenade, puis États-Unis de Colombie et même Ce Foutu Pays », poursuivie également par les doubles - son histoire est indissociable de celle du Panama, et ses villes ont la même maladie de porter plusieurs noms, « Santa Fe, Bogotá ou même Cette Foutue Ville ». Mais surtout, l’ennemi principal, c’est Conrad, cet écrivain traître qui porte le même prénom que lui, jumeau métaphysique qu’il n’a cessé de croiser sans le savoir (« je suis l’homme qui n’a rien vu ») et à qui il finira par parler à Londres. Les lecteurs de Conrad auront évidemment repéré dès le titre du livre de Vásquez le pays imaginaire de Nostromo. « Vous m’avez éliminé de ma propre vie. Joseph Conrad, vous m’avez volé. » Le livre est tendu vers cette double confrontation (celle de deux hommes, celles de deux récits) et une vengeance annoncée. Pourtant, José s’avoue vaincu assez vite : « J’aurai beau m’obstiner à relater ma vie, je finirai immanquablement par relater celle de l’autre. »
Fourmillant d’anecdotes et de références fictives ou réelles, le récit est mené avec brio. On peut se passer allègrement de connaître la moindre ligne de Conrad ou l’histoire de la Colombie. Néanmoins quantité de choses sur ces deux sujets y sont relatées, en se jouant de la chronologie et de la fiction. « L’Histoire se distingue parce qu’elle n’a pas l’assommante obligation d’être vraisemblable. » José accuse pourtant le grand écrivain de se vanter d’avoir impunément transformé la Colombie en pays fictif. Et il lui arrive plus d’une fois de s’égarer dans sa (ses) mé-moire(s), pour affirmer sans vergogne toujours « revenir au bercail narratif, aux règles complexes de l’exactitude et de la véracité ». Le lecteur, pris à témoin (procédé fictionnel ancien qui retrouve ici toute sa saveur), ne peut que s’amuser de la mauvaise foi du narrateur. Il découvre surtout, sans cesser de sourire, la tragédie d’une nation. Et, en parallèle, celle de José dépossédé d’elle, mais aussi de son identité, de sa femme, de sa fille… C’est la grande force de ces confessions truculentes : se terminer sur l’amertume d’un homme face à l’ampleur de ses pertes, les plus intimes étant les plus douloureuses.

Histoire secrÈte du Costaguana
de Juan Gabriel vÁsquez
Traduit de l’espagnol (Colombie) par Isabelle Gugnon, Seuil, 320 pages, 22

L’anti-témoin Par Pascal Jourdana
Le Matricule des Anges n°110 , février 2010.
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