La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Poésie Maître de rien

mars 2010 | Le Matricule des Anges n°111 | par Richard Blin

L' Emportement des choses

C’est le grand fabulaire de l’être réintégré au tissu de l’univers que chantent les poèmes de Jean-Yves Bériou.
Entre défloration des signes et chant occulte de l’être, c’est la flamboyance noire d’images dévoilant l’horizon secret de ce qui lui brûle les yeux et la langue, qui frappe d’abord chez Jean-Yves Bériou. Plus qu’un recueil, L’Emportement des choses est un long poème témoignant d’une sensualité nomade et d’une perception légendaire du monde. Une manière de s’ouvrir à l’inconnu, de capter la résonance habitée d’un paysage, qui n’est pas étrangère au fait qu’il est aussi traducteur de la poésie du monde gaélique ancien.
Porté par le désir de retrouver quelque chose de la relation première entre l’homme et le monde physique, c’est le réel immédiat conjugué à la mémoire du monde et aux figures du dehors, que tresse J-Y Bériou. « Non, ce n’est pas l’océan qu’on entend, c’est le grognement du chasseur roux sur la piste des ancêtres, le chasseur à la livrée d’atlantiques ossuaires. À l’imprévu, les dieux livrent passage. Le brûle la grêle du dédain, la grêle de nos lits, la grêle pour tanière. Et nos cris de hérons gris dans le mitan du lit. » Comme si, ayant remonté les lunaisons, franchi les ères, il se retrouvait homme du vent et de l’éclair, aventuré parmi les fées, les collines et les guetteurs. Forme de dépossession qui plonge dans la splendeur retrouvée du réel, confronte à la sauvagerie qui est en nous, diamantise le corps polymorphe du monde. « L’œil, sa lame crissante / sa lame qui arrache, à vif / dans le foie noir de gel / rongé d’un ciel rouillé / ; la langue revenue bredouille et qui tourne / sans fin, dans l’œil ».
Une poésie perméable aux présences expertes à ensorceler, au « tigre bleu d’un matin d’amour », au corps souple du lièvre. Un poète qui sait que la poésie, c’est « faire du feu avec rien, avec tout : / pas de cendres, des braises. // Et l’or du cœur entre les branches / du ciel. » Parole célébrante, accueillante où la fable de soi se fait fable du monde - mais d’un monde où il faut prendre garde au chant de certains oiseaux, « aux rendez-vous d’amour dans les dédales de pierres où tourne la nuit renarde. Et les seins, leurs cris d’orfraie, leurs feux de prairie. » Monde où il faut faire avec les sortilèges et les « innombrables formes » que peut prendre le destin. L’on peut, par exemple, se noyer en riant (parce que tout, ici, relève d’une sorte de gai savoir) mais « t’empaler en riant, le peux-tu également, aux bois du cerf ? »
La question se pose quand on sait que pour les Celtes, l’Autre monde n’est pas un Au-delà peuplé de morts mais le début d’une nouvelle phase d’un même cycle d’existence. À mille lieux donc de notre pensée séparatrice, le réel est pensé absolument à partir de l’ici et du maintenant d’un présent pluriel totalisant tous les temps. D’où cette sensibilité à tout ce qui se situe derrière ce que nous appelons communément la réalité. « Je fais ici allusion au givre bourdonnant de l’esprit. À l’hypothèse implacable d’une mort incertaine. » Enjeu de transmutations, le corps, comme « toute viande chante, et chante en secret ».
Ce sens musical de la composition du monde, cette magie d’un monde qui s’organiserait à l’image de désirs amoureux non refoulés, J.-Y. Bériou les rend audibles, chantant l’emportement des choses, « la rage du ciel / sous la jupe de l’amante », « le sel invisible qui sèche les tourments ». Il le fait en « Maître de rien » tentant de ramener au visible ce qui séjourne dans l’invisible. « Je disperse les cendres de mon cerveau, je me souviens, / je ne me souviens plus, je dresse la table des matières, / j’arpente mes domaines, et c’est l’éclair. »
Quelle plus belle façon de célébrer ces mondes perdus qui ne reviennent que dans « le sillage de phosphore des pensées les plus sauvages » ? De donner réalité au « bec du ciel dans la drôle de blessure de l’amour » ? De nous donner à nous reconnaître au fil d’images étranges, intimes, effrayantes, mais ô combien révélatrices.

L’Emportement des choses de Jean-Yves Bériou, L’Escampette, 128 pages, 15

Maître de rien Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°111 , mars 2010.
LMDA papier n°111
6,50 
LMDA PDF n°111
4,00