Il n’est peut-être pas recommandé de lire tous les livres de Dennis Cooper d’une traite, les uns après les autres. Les risques de nausée sont importants. Les troubles du sommeil aussi. Comme son narrateur homonyme de Guide le fait dire à un de ses amants : « il ne comprend pas que quelqu’un puisse écrire sur les sujets que mes romans reprennent si automatiquement. Moi non plus, ce qui nous met à égalité. Mais pour lui, mon œuvre est » évidente « ». Les sujets en question ne sont pas bien nombreux : le sexe (et plus particulièrement le « bouffage de culs »), la drogue, la torture et le meurtre, de préférence filmés. On trouve, pour chacun de ses sujets, des variantes : pédophilie, bareback (ou comment transmettre le sida à ses partenaires), sado masochisme, crémation de corps plus ou moins morts. De quoi faire de Dennis Cooper une étoile noire dans le ciel de la littérature contemporaine. D’autant que ces sujets sont abordés, fouillés, répétés d’une façon obsessionnelle, presque mécaniquement, jusqu’à brouiller la conscience du lecteur ballotté d’une scène hardcore à l’autre, d’une description précise de parties génitales à celle des fragrances qui s’échappent des postérieurs d’adolescents sodomisés, puis trucidés.
Petit florilège comme une mise à l’épreuve : « Un de mes doigts était enfoncé dans le cul de Chris. Il y avait, coincé dedans, une merde dure comme de la pierre, telle une horrible antiquité. Je la tripotai du bout du doigt. » (Guide p.61) « Mon père principal - celui avec qui je vis encore - me bat et me viole depuis que j’ai, euh… dix ans, et mon autre père m’a écrit une lettre qui était… visiblement une sorte de, euh, lettre d’amour, et je crois… euh, je lui ai répondu, et maintenant on va coucher ensemble, ce qui est probablement une énorme erreur. Et… quoi d’autre… ? » « L’arôme distinct et exquis du sperme en ébullition enveloppait ces organes roses et étiques, le plus souvent mélangé à une sous-odeur âcre d’urine, qui devait provenir de ses vêtements rarement lavés. » « J’adorais comment il était immobile. On peut modeler un cadavre. Faire bouger les muscles, ils tiennent la pose. J’ai passé un moment incroyable. J’en ai fait un monstre. Mais son odeur a viré très vite. Alors je l’ai enterré dans le jardin derrière la maison. »(Try p.20, 205 et 216) « Elle fume tellement d’herbe qu’on l’appelait le Zombie quand elle avait dix ans. » (Dieu Jr. p.33) « Il a le petit cul le plus bandant du monde, surtout si comme moi vous les aimez un peu faits. J’y ai casé quatre doigts. » « Après lui avoir bien dilaté l’anus avec les doigts, j’ai commencé à lui enfoncer des godes de plus en plus gros. Je lui en ai fourré un épais de 60 cm jusqu’au fond et il m’a laissé lui baratter et lui pilonner le cul comme si je faisais du beurre. » « Il m’a dit qu’un des types avait versé de l’eau bouillante sur le corps de Noll pendant que l’autre et lui lui mutilaient le visage, le torse et les parties au scalpel jusqu’à ce qu’il finisse par...
Dossier
Dennis Cooper
Cure d’intoxication
Chargée de scènes parfois insoutenables, mue par d’obsessionnels fantasmes et attirée par le viol des tabous, l’œuvre de Dennis Cooper dresse le portrait d’une humanité déracinée, livrée à ses pulsions et privée d’émotions. Une humanité d’adolescents et de jeunes gays qui ont mis le cap au pire.