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Domaine étranger Le soleil s’était levé

juin 2010 | Le Matricule des Anges n°114 | par Serge Airoldi

Interdit sous Franco, ce Requiem de Ramón Sender, publié en 1953 à Mexico, est une fulgurante partition avec la guerre civile d’Espagne en toile de fond.

Requiem pour un paysan espagnol

Une guerre civile est là, avec des morts partout au village. L’assassinat de Paco du Moulin a eu lieu. Et le prêtre Mosén Millan ânonne des prières. Il est assis dans un fauteuil, la tête penchée sur sa chasuble des messes de requiem avec un enfant de chœur à ses côtés. Paco du Moulin n’est plus. Seul son âne divague, rappelant la passion de Paco à ceux qui l’ont aimé et aussi à ceux qui l’ont trahi. Mosén Millan est de ceux-là. L’a-t-il trahi avec la simple jouissance de cette basse œuvre à l’esprit ? Non. L’a-t-il trahi avec la faiblesse de celui qui voulait tellement plaire aux puissants ? Oui. Et c’est cette nuance dans l’acte coupable qui rend ce roman de Ramón Sender si puissant.
Le texte ne se fonde pas sur un partage des eaux brutal. D’un côté : les phalangistes. De l’autre : les belles âmes qui rêvaient d’un monde meilleur. Avec une force sans ambiguïté pour évoquer une guerre civile qu’il a lui-même vécue dans la douleur, Sender, né en 1901, disparu en 1982, préfère poser sur le papier le poids des faits qui sont autant de symboles plutôt que d’agiter des bannières. C’est l’évidence de la situation qui prend parti. Dans ses premières années, Paco est enfant de chœur de Mosén Millan. Un jour, ils se rendent pour une extrême-onction dans les grottes où vivent les miséreux et de cette expérience, Paco construira une représentation du monde où le réel est le vrai ciment. Plus que l’idéologie. De cette visite à la grotte, Paco revient avec une blessure qui ne cicatrisera jamais. Mosén Millan cherche-t-il à justifier l’inexplicable : Paco ne cède pas au dédain dont sont victimes ces saints-innocents. Il devient homme et au village tout le monde l’aime bien. « Sauf don Gumersindo, don Valeriano et peut-être Castulo Pérez ». Ainsi procède Sender, au rythme de phrases économes, capables de dessiner toute une cosmogonie d’intérêts, de conflits, de haines, la réalité de deux mondes séparés par un ravin profond. Les élections arrivent, « voilà des temps nouveaux » annonce Paco à Mosén Millan. Maintenant, Paco veut « prendre l’herbe au duc » pour modifier le système d’affermage des prés.
Jamais dans ce texte aussi court que percutant, interdit, on le comprend, du temps de Franco et qui ne fut publié qu’un an avant la mort du dictateur, il n’est question de guerre civile. Elle n’est pas dite de cette façon. L’écriture de Sender dit plutôt, sans prévenir, comment les balles tuent les vies quand les jeunes messieurs de la ville, bien coiffés et parfumés débarquent et tirent sur ceux de la grotte, pour faire des exemples. L’écrivain ne transforme pas cet affrontement et ces meurtres en autre chose qu’un drame cru. Avec un profond sens du récit que l’on apprécie aussi dans le texte inédit qui suit, Le Gué, Sender dit la détresse, les taiseux exploités, leur incompréhension lorsqu’il est question de la Russie. Ils pensent tous à la jument de la boulangerie qu’on appelait la Rousse. Ils savent que tout cela n’a pas de sens. Et certains meurent sous les rafales des jeunes messieurs de la ville. Paco du Moulin tire sur les ennemis, est sommé de se rendre, il refuse. Alors Mosén Millan parle à son père. Le père confie le secret fatal que le prêtre abandonne dans l’oreille de ceux qui ne veulent pas des temps nouveaux. Et Paco meurt malgré les promesses du curé. Et voici Mosén Millan, plein d’un remords dont on ne perçoit pourtant pas le vrai contour, prêt à célébrer la messe de requiem pour ce paysan espagnol magnifique.
Plutôt que Mosén Millan, c’est finalement ce titre que Sender a retenu : Requiem pour un paysan espagnol. Comme si ce paysan espagnol était le nom de toute une Espagne fracassée par les fascistes. Un grand cœur d’Espagne qui voulait des grottes ouvertes au soleil et un peu des prairies du duc.

Requiem pour un paysan espagnol (suivi de) Le Gué de Ramon Sender,traduits de l’espagnol par J.-P. Cortada et J.-P. Ressot, frontispices d’Anne Careil, Attila, 178 p., 15

Le soleil s’était levé Par Serge Airoldi
Le Matricule des Anges n°114 , juin 2010.
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