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Domaine étranger Simulacres de guerre

juin 2010 | Le Matricule des Anges n°114 | par Dominique Aussenac

Comment en vibrant stratège, Roberto Bolaño entrouvre les portes de la perception. Le Troisième Reich, un roman aussi dru que contrasté.
Depuis sa mort (cancer du foie) au début de l’été 2003, les vagues éditoriales délivrent à flux tendu les ouvrages de Roberto Bolaño. Comme s’il n’en finissait pas de se séparer de petits bouts de lui-même, morceaux de cervelle, bulles de rêves, viscères, membres, objets d’effrois, de torture, grigris, doudous, sex-toys, reliques, etc. à 50 ans, il venait tout juste d’atteindre une notoriété internationale. Du Chili au Mexique, jusque sur les plages de Catalogne, il avait écrit de la poésie, s’étant mis au roman pour en finir avec les petits boulots comme veilleur de nuit, fonction qu’au sens propre et au figuré, il exerça. Lecteur, mais aussi cinéphile, téléphage infatigable, consumant clope sur clope, il dormait peu. La privation de sommeil, la lecture, l’addiction à la fiction décalent les individus et font perdre notions de jour et de nuit, de réel et de rêve. Ce vacillement, il l’intégrera pleinement dans son œuvre où chaque ouvrage apparaît comme un long continuum zébré d’ombre et de lumière, de vérités et de mensonges, de beauté et d’horreur, de lutte entre bien et mal, d’histoire littéraire. Veilleur de nuit d’un camping, à Blanès, pas loin de Barcelone, peut-être l’était-il toujours, lorsqu’en 1989, il écrivit le Troisième Reich, jusqu’ici inédit.
L’action se déroule dans une station balnéaire catalane. Se décompose en d’incessants allers-retours entre le monde des vivants et celui des morts, la cité idéale et la barbarie, le présent et le passé, soit la verticalité d’une chambre d’hôtel qui surplombe le monde et l’horizontalité d’une plage. Sur celle-ci, dans un trou entouré de pédalos qu’il loue, vit le Brûlé. Un être étrange, mutique au corps musclé de culturiste, bardé d’affreuses brûlures. On le dit d’origine latino-américaine, aurait été torturé. A l’hôtel, au troisième étage loge Udo Berger, jeune allemand en vacances, propre sur lui, avec cette morgue toute germanique qui lui confère une certaine supériorité. Du moins aux yeux des serviteurs de l’hôtel, de sa ravissante compagne et d’un nombre relativement limité mais tout de même international d’amateurs de jeux de stratégies dont il est un des champions. Les jeux de guerre, celui intitulé « Troisième Reich », qui permet à coups de dés, de refaire l’Histoire le passionne. Il n’est bien sûr pas question de refaire l’immonde, Udo n’est pas un nazi, d’ailleurs il ne s’intéresse pas à la politique. Romantique caché, il écrit sur les jeux de stratégie et lit les ouvrages de généraux défunts, de la Wehrmacht, mais pas uniquement, de la poésie aussi. Le Brûlé, personnage marqué par le réalité, mais réalité fantasmée fascine Udo. Une partie de « Troisième Reich » les oppose. Qui gagnera ? Udo, à l’instar d’Orphée descendra aux Enfers. Mais que lui sera-t-il révélé ?
En ombres portées à l’intrigue, vibrionnent faits délétères et personnages inquiétants. Charlie, grande gueule, buveur invétéré, excellent nageur disparaît en mer. Drame ou suicide ? Comme des squales, le Loup et l’Agneau, deux gouapes à la réputation sulfureuse, tourneront autour des compagnes de Charlie et Udo. Le Troisième Reich, roman à tiroirs, ouvre et ferme d’innombrables portes et ce avec une violence contenue et paroxystique. Mais la force, la puissance de Bolaño ne réside pas dans les réponses, à savoir ce qui est caché ou ce qui va advenir, plutôt dans le trouble, le désarroi, l’émoi où sa narration plonge. Les coupures et reprises du récit, les divagations, supputations, recensements, ruminations, onirisme, appellent à la transe. Une transe qui cache la beauté. Elle a pour nom, ici, Littérature.
« Comment quelqu’un d’aussi difforme pouvait considérer quelque chose comme grotesque, sans se sentir immédiatement visé ? »

Le Troisième Reich de Roberto Bolaño
Traduit de l’espagnol (Chili) par Robert Amutio
Christian Bourgois, 415 pages, 25

Simulacres de guerre Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°114 , juin 2010.
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