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Essais Mes contrevérités

juillet 2010 | Le Matricule des Anges n°115 | par Benoît Legemble

Thomas Bernhard règle ses comptes avec l’industrie littéraire. Chroniques d’une agonie institutionnelle.

Mes prix littéraires

On pourrait tout aussi bien parler ici d’un jeu de sept familles, où l’auteur se plaît à jouer le mauvais fils. Tel est le point de depart de Mes prix littéraires. Entrepris au début des années 1980, cet inédit resté inachevé parut de façon posthume. Il regroupe les impressions et anecdotes de Thomas Bernhard, organisées autour de neuf grandes distinctions reçues au cours de sa carrière d’écrivain. L’occasion d’évoquer tour à tour sa vie personnelle et la précarité matérielle de l’homme de lettres, d’épingler les relations consanguines entrenues par le monde de l’art et les institutions étatiques. Ces récits doivent avant tout être envisagés comme relevant de la plus pure tradition pamphlétaire. L’auteur d’Extinction y fait ainsi la part belle à la peinture des vanités - art dont il se veut lui-même la première victime - prisonnier volontaire d’une quête vaine de reconnaissance dont on comprendra qu’elle joue un rôle fondamental dans la révolte qui régit l’ensemble de son œuvre.
Car avant les frasques et les scandales, Bernhard avait un temps accepté la règle du jeu. Il avait revêtu son plus beau costume, avait satisfait aux requêtes les plus incongrues. C’était avant les affronts des prix Grillparzer et autres Cercle culturel de la fédération de l’industrie allemande (un titre auquel l’auteur lui-même n’aurait rien eu à redire pour l’insérer dans une de ses cinglantes satires). Avant aussi la cabale menée par des ministres suffisants pour qui Bernhard n’était qu’un histrion de service, dérangeant qui plus est. Un « écrivaillon », ainsi que le qualifia la ministre Firnberg à l’époque. Et puis il y aura les journaux pour point d’orgue, s’affairant autour d’un prosateur et dramaturge transformé en « punaise » qu’il faut écraser. Tout est raconté dans ce livre, sans qu’il n’y ait jamais de complaisance. On pourrait tout aussi bien évoquer la farcesque révélation sur l’attribution du prix de la ville de Brême à Wolfgang Hildesheimer, après des délibérations tronquées et une fin de non-recevoir pour Bernhard qui avait suggéré le nom de Canetti mais s’était vu arguer le fait qu’on ne pouvait délibérément pas donner le prix à un juif. Et là encore, Bernhard de déterrer les cadavres. De dire le ridicule lorsque les estomacs sont vides : le jury décidera au hasard des livres accumulés sur les tables pour finalement récompenser… un autre juif. Car ce que Bernhard pointe du doigt, c’est l’impossibilité du débat au sein d’un jury plein de cette docilité bovine imposée par les borborygmes de l’assemblée. L’heure du repas approche, il faut donc faire vite. Et c’est ce portrait de l’écrivain en animal domestique qui est dénoncé. Il est ainsi question d’argent pour chacun des prix, car l’écrivain doit se résoudre à cohabiter avec un monde qu’il abhorre pour effacer les ardoises laissés ça et là. On pense à un théâtre de marionnettes. Bernhard avait compris déjà que les acteurs du monde de l’esprit ne sont pas les payeurs. L’occasion pour lui de rendre hommage à ces mécènes de pacotille à la solde de la politique nationale qui gâchent l’existence. La liberté est un leurre, nous dit-il, et « le froid augmente avec la clareté ».
Si ce recueil n’est pas indispensable pour qui n’a pas encore pénétré les arcanes de la pensée bernhardienne, il est primordial pour ceux qui ont à cœur de mieux cerner la problématique liée à son œuvre. On y découvre ainsi quelqu’un de plus humain, pour qui la condition de survie était d’ériger la maladie en œuvre d’art. Quelqu’un qui refusait de satisfaire au protocole compassionnel et se méfiait des institutions d’apparat comme d’« un écrin séculaire à l’abrutissement ». Reste alors la remise en cause de la vocation littéraire comme rédemption, la méfiance quant aux veritables motivations de nos engagements et la certitude en guise d’ultime aphorisme que « tout est dérisoire quand on pense à la mort ».

Mes prix littéraires
de Thomas BernharD
Traduit de l’allemand (Autriche) par Daniel Mirsky, Gallimard, 176 pages, 12,50

Mes contrevérités Par Benoît Legemble
Le Matricule des Anges n°115 , juillet 2010.
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