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Domaine français Paris-Londres aller-retour

septembre 2010 | Le Matricule des Anges n°116 | par Thierry Guichard

Le roman de Patrick Lapeyre a la délicatesse d’une maison de poupée dans laquelle se jouerait le drame d’un adultère condamné à l’échec. On le lit avec plaisir, mais sans nécessité.

La Vie est brève et le désir sans fin

Il y a quelque chose qui tient de la grâce dans les romans de Patrick Lapeyre. Une fluidité délicate et musicale, mélodique plutôt que symphonique, une forme d’évidence dans l’apparition des personnages, une ligne claire dans la narration.Dans une linéarité bordée par le vide, le récit avance presque benoîtement, quand bien même c’est vers le gouffre qu’il nous conduit.
C’est un plaisir diffus que procure la lecture de La Vie est brève et le désir sans fin, comme si une voix à la tessiture profonde et équilibrée nous racontait une histoire déjà connue.On écoute la voix, on oublie l’histoire.
Blériot a la quarantaine et son feu semble éteint, il vivoterait mal de traductions techniques s’il n’avait sa femme. Sabine chante parfois du Nancy Sinatra, voyage beaucoup, elle est une sommité du monde de l’art contemporain, elle porterait la culotte du couple, s’il y avait encore un couple : « Blériot ne sait pas quand ils ont commencé à s’éloigner l’un de l’autre. Le jour où il s’en est aperçu, c’était déjà fait. » Lapeyre pose ses phrases comme on voit parfois que sont posées en vitrine des paires de chaussures. C’est que Blériot, très souvent, est un observateur passif du monde. Si passif qu’il semble toujours comme sous verre, tenu dans un cadre assez bien fait pour lui : peu voyant. Il a hérité du caractère paternel, si on peut appeler ça un caractère. Il y a deux ans, quand commence le roman, que Nora est partie. Elle, c’est le contraire de Blériot, jeune et vive, inquiétante dans ses sautes d’humeur. Elle a été sa maîtresse et même si Lapeyre nous le dit, on a du mal à le croire. Franco-anglaise, elle l’a quitté pour Londres et un trader américain qui pourrait être une autre version de Blériot quand Nora, à son tour, le quitte. De retour à Paris elle se signale à Blériot qui découvre que son cœur peut encore battre. Les deux amants reprennent leurs joutes amoureuses dans les hôtels, et lui ses mensonges à Sabine dont on sait avant lui qu’elle sait. Le thème de l’adultère tourne comme le mécanisme d’une horloge : petits rouages bien huilés qui font que les aiguilles repassent par les mêmes heures mais qui vont s’enrayer avec le temps.
D’autant que Nora est mortifère et instable (elle retournera à Londres voir son trader, reviendra à Paris : on pourrait l’appeler Eurostar) autant que Blériot est lâche et fuyant. Incapables l’un et l’autre de résister au soleil noir qu’ils sont l’un à l’autre, ils feront de leur désir l’instrument de leur naufrage. C’est alors que la légèreté du livre se fait plus cruelle, par contraste avec ce que Nora et Blériot vivent. Il fallait ça pour échapper à la futilité du livre.
Il n’est pas certain que cette histoire nous passionne. Nora ne nous séduit pas, mais elle pourrait nous émouvoir. Blériot nous fait l’effet d’un verre d’eau après le café, Sabine ne recueille pas même notre compassion.
Mais il y a cette manière si particulière que Patrick Lapeyre a de poser les jalons de son histoire et ses phrases surprenantes qui éveillent l’intérêt lorsqu’il décrit au bord des routes les publicités « de hamburgers à l’horizon qui excitent la convoitise des enfants et démoralisent les animaux », ou lorsque au bord d’une piscine « des couples sommeillent paisiblement, leurs corps alignés côte à côte comme des violoncelles posés sur des serviettes de bain. »
On aimerait voir ce talent au service de sujets moins convenus, ou que ce style, si impeccable qu’il en semble propre, ose sortir de sa sphère domestique. Ce serait peut-être le prix à payer pour faire d’un livre agréable, un livre nécessaire.

T. G.


La Vie est brève et le désir sans fin
de Patrick Lapeyre
P.O.L, 344 pages, 19,50

Paris-Londres aller-retour Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°116 , septembre 2010.
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