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Poésie Tombeau du vivant

octobre 2010 | Le Matricule des Anges n°117 | par Emmanuel Laugier

Avec Été II, Bernard Chambaz publie un livre-somme où l’inconsolable (du fils disparu) et l’habitation encore possible d’un monde se questionnent sans cesse.

Le deuxième versant de Été commence à la séquence 501, à l’ouverture du chant VI, et s’étire jusqu’à son dernier chant (le dixième) et son ultime plan-séquence (le mille et unième). Soit un chant par an écrit dans la première décennie du siècle. On pourrait s’étonner de la contrainte temporelle, et s’interroger sur sa nécessité. à quoi on serait tenté de répondre qu’elle n’appartient qu’à son auteur, que c’est là le rapport caché (ésotérique) du moteur de son écriture : « par où commencer, repartir, la question ne se pose pas vraiment. je repars du seul point possible, toi, petit m-pêcheur, on repart ensemble à l’assaut du chant VI, donc je recommence à compter comme les enfants au cours d’arithmétique (…) je t’annonce que nous en sommes déjà au 4583e jour et autant de nuits et si vous en comptez les secondes et multipliez le tout vous avez une petite idée de tout le temps qu’on peut passer à penser à lui… » Sans doute n’y a-t-il aucune autre justification en dehors de ce décompte, ce qu’il dépasse et tient dans la décennie, c’est-à-dire ce qu’il fait avec et de toute l’absence scandaleuse de Martin (devenu le « m-pêcheur »), le fils disparu accidentellement un été au Pays de Galles. Nous comprenons d’autant plus qu’avec été c’est l’infini thrène de l’avoir été qui appuie sans cesse sur le désir du poème, et celui d’y faire exister encore ce fils, de dessiner les 21 grammes de son âme, et son vol. Dans l’inconsolable fin de monde qui put s’ouvrir sous les pieds d’un couple, d’un père, d’un homme, reste pourtant l’énergie folle, vive et sans fin du poème, cette sorte de et cetera qu’il est à jamais, et par lequel Bernard Chambaz appelle son prochain livre.
Dans les mondes qu’il nous fait traverser, de Rome à la Volga jusqu’au fin fond de la Russie, avec sauts par les États-Unis, dans ses modes d’écriture, et les modulation de ses voix, Été II est une réponse à la « presque mutité à laquelle j’aurais été réduit, après avoir tellement parlé, à tort et à travers, mais en poème seulement, parlé de toi, petit m-pêcheur ». Tout ainsi doit exister, dans le chant général de cet Été être noté, jusqu’aux mille et une coupes de nos existences, être dit dans la nécessité de relater les choses, les lieux, les mémoires, les écrivains et poètes (de Pétrarque à Celan, en passant par Virgile, Saba, les objectivistes américains, le sublime poète tchouvache Aïgui). Tout est dit, aussi bien par la lyre de la femme aimée, que dans les notes d’un journal ras, prosaïque, « objectal ». à l’exemple de ce moment, qui n’est ni un simple souvenir ni son récit, mais le travail en acte de la mémoire, son récitatif sec : « à trapani/voyez les thons/sur les étals. les bouteilles/de vin cuit. les petits tas de sel/qui brillent comme les thons et les bouteilles/et nos larmes/si on songe qu’à trapani/tout finit ». Chez Bernard Chambaz, les perceptions deviennent presque des actes, cernés et rendus (brillance des thons, du sel, des larmes) à leur presque littéralité. Jusqu’à ce « plus grand chose/le participe/la haie d’aubépines humides sur le bas-côté. Là-bas. », sorte de basse continue, à prendre que dans le « participe » été.
Toute la grande force de ce livre, sa grande santé aurait dit Deleuze, tient aux lignes de fuite qu’il crée et aux devenirs qu’elles ouvrent. Au sein du poème lui-même, dans sa forme à la sobriété implacable, mais aussi dans le mille-feuille de mémoires par lequel nous nous transformons. Été II y devenant la traversée toute en apnée du champ de la littérature générale, c’est-à-dire de tout ce qui, dans le langage, fera monde, devant se recommencer, se redéployer, au « participe présent » (ce verbe à cheval disait Mandelstam), pour et simplement l’être qui, lui, fut, n’est plus, été, est au devant.

Emmanuel Laugier

Été II
Bernard Chambaz
Flammarion, 267 pages, 19,50

Tombeau du vivant Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°117 , octobre 2010.
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