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Choses vues Salut mon vieux

octobre 2010 | Le Matricule des Anges n°117 | par Dominique Fabre

Sur la page d’accueil de mon ordi mes mômes ont mis la photo du glacier qu’on voit, au-dessus de Saint-Gervais et des Contamines Montjoie, tout au sommet. Le ciel est saturé de bleu, on aperçoit les plaques de glace, on devine des crevasses et sur l’autre versant, les arêtes noires du rocher. Un petit toit du monde. Ça me fait bizarre de le voir presque chaque matin, car on est vraiment très loin de ces endroits quand on vit à la porte d’Ivry. Ce glacier je l’avais déjà vu il y a un an en vacances et à nos retrouvailles d’août dernier, j’étais persuadé qu’il avait pris de l’embonpoint et qu’il allait sans doute encore grandir pour l’an prochain, mais en fait : non. Les autres gens dans le chalet ont unanimement constaté qu’il avait un peu rétréci. Mon vieux glacier. Tôt le matin j’ouvre donc les emails pour avoir des bonnes nouvelles, et quoi qu’il en soit, lui et moi on se dit bonjour, il me parle bien un peu, quelquefois. D’ailleurs, les nouvelles ne sont pas toutes excellentes et vous laissent parfois sans voix. Arrivés vers la cinquantaine plusieurs amis commencent à séjourner trop longtemps dans des hostos, ou bien, leurs parents meurent, des gens proches. Le grand glacier m’attend aussi, je le sais bien. Il représente pour moi mon enfance à la montagne et aussi la dernière semaine d’août, (il y a déjà un mois !) les balades qu’on a faites autour, les sentiers sous le soleil, sous la pluie, les cascades. Rien à voir avec les heures passées à la porte d’Ivry, dans les rues tout autour du Château des Rentiers.

Ici même les abeilles perdent le nord ! à la fête des vendanges de la rue du Château des Rentiers un apiculteur retraité qui a ses ruches sur son balcon rue Nationale est agacé par les antennes des téléphones portables. Les abeilles ne retrouvent pas les ruches, elles tournicotent de-ci de-là et finissent souvent par crever à cause de tous nos coups de fil qui les désorientent. Le miel de Paris est très bon, on a plusieurs sortes de fleurs et d’après l’apiculteur, il est aussi pur qu’ailleurs, sinon plus, car les ouvrières canneraient aussitôt si elles transportaient des pollens pollués. Ce jour-là, victime de son bon cœur, sa femme, retraitée elle aussi, a donné à des gens du pain d’épices pour pas cher, mais ils en ont profité pour lui piquer l’enveloppe avec l’argent du miel. Alors bon. Dans ma tête, la nuit suivante, j’ai mis le grand glacier avec des ruches pas loin dessous, et quand je me suis réveillé, j’ai eu l’impression d’avoir visité en rêve un coin discret du paradis. La fête des vendanges de la rue du Château des Rentiers est l’une des plus petites brocantes du coin.

J’ai rien eu envie d’acheter au décrochez-moi ça. Rue Marcel Duchamp, du côté des ateliers d’artistes, sous les sophoras qui se mettent déjà à frissonner vaguement, une dame regardait son ficus, une assez vieille dame, un assez vieux ficus : espèce de salaud, elle lui a dit. Je l’ai regardée pour en avoir le cœur net, elle s’était baissée vers la plante pour lui arracher les feuilles mortes, lui donner les premiers soins, ou les derniers, le refaire beau. Il m’a déjà fait ça l’année dernière. Ah bon ? j’ai répondu. Oui. Elle avait un sourire flou. Mais je l’ai à l’œil. Je ne vais pas le laisser tomber. Je ne veux pas qu’il me quitte, lui aussi. Ben… j’ai bredouillé. Ce serait dommage en effet, euh… bonne journée ! J’étais pressé de m’en aller. Le soir, j’ai essayé de rajouter la dame et son ficus aux ruches des retraités de la rue Nationale au-dessous du vieux glacier qui se balance bien de tout ça, mais bon, ça n’a pas marché ce coup-là. On verra si. Je ne sais pas. Où sommes-nous, la plupart du temps ? ici ? ailleurs qu’ici ? ou bien, là-bas ? (en ce moment ? le nez sur le glacier de la page d’accueil de l’ordi).

J’aime tellement le mois de septembre. Et vous, ça vous plaît ? J’aime sentir dans la chaleur les premiers signes d’après, on en profite un peu pour se rappeler l’été déjà fini, ce n’est pas loin, c’est tout proche, comme on l’est d’un endroit où on ne va pas souvent, mais en fait ce n’est pas grave, car on ne l’a jamais quitté. Au bout d’un certain nombre d’années, on n’existe plus nulle part exactement. Pourtant porte d’Ivry, tout a recommencé de plus belle. Ils ont accéléré les travaux pour construire le tramway sur le boulevard des Maréchaux, ils nous ont amené des gros morceaux de pont qui pèsent des tonnes, sur des espèces de camions géants, de nuit. On est plusieurs centaines de passagers du PC2 à se demander comment ça sera par ici ? Ça ne ressemble plus à rien, en attendant. Ils ont gardé les piles de l’ancien pont à la porte de Vitry. Et puis les gosses des voisins qui grandissent, et, en bas, un type mains dans les poches attend en regardant la boîte à lettres où son nom n’est plus écrit depuis l’été. Il est devenu un de ces types qui se garent en double file, et quand leur gosse descend les escaliers, leur sourire a toute une histoire à leur dire, une autre à ne pas raconter. Ensuite, c’est dimanche soir. Les engueulades dans les étages, et parfois, in the dead of night (comment bien dire ça en français ?), un petit rire d’amants, au quatrième étage je crois. Parfois, elle crie.

Sur le petit balcon à la cuisine le rosier pète la forme. Il n’arrête pas de fleurir. Le soir, pris d’une frénésie artistique, mon fiston en blouse blanche et masqué peint à la bombe des portraits de gens connus, et aussi des inventés. Souvent les gens qui sortent de Paris klaxonnent au feu rouge. C’est même la première fois que je vois des éboueurs manquer se faire taper dessus par un abruti trop pressé. Puis le temps passe encore. Je vais aller dormir bientôt. Rejoindre le vieux glacier. Je peux vous emmener aussi si vous voulez. J’essaie et je vous dirai si ça marche. à bientôt.

Salut mon vieux Par Dominique Fabre
Le Matricule des Anges n°117 , octobre 2010.
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