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Domaine français Le rouge et le noir

octobre 2010 | Le Matricule des Anges n°117 | par Richard Blin

Avec ce roman de la chair, qui conjugue la fleur de la jeunesse à la succulence de l’âge, ce sont aussi les rapports de force liant discours, gestes et affects qu’explore Jean Guerreschi.

Bélard et Loïse

Tendu, troublant, ponctué d’humour distancié, le nouveau roman de Jean Guerreschi peut aussi se montrer particulièrement bouleversant. Sous un titre qui donne le ton en faisant partiellement référence à l’histoire d’Héloïse et Abélard – l’une des expressions devenues mythiques de l’amour en Occident –, c’est à l’ardeur des champs magnétiques du désir, et à la découverte des nœuds invisibles de la vie et des signes, que nous invite Guerreschi.
Divisé en quatre parties – Les corps, La chair, L’acier, Le marbre – et rythmé par l’enchaînement de séquences nourries elles-mêmes des rythmes viscéraux de l’attente, de l’intime et des vertiges de la transgression, son roman s’attache à ce qui rend nos vies infiniment plus complexes, plus chaotiques et plus hantées d’innommable qu’elles n’en ont l’air. Il raconte comment le regard un peu appuyé d’un vieux professeur d’université – Antoine Bélard – sur la croupe d’une de ses étudiantes, va bouleverser sa vie comme celle de Loïse, la Belle callipyge, et celle de Pièra, qui aime Loïse au moins autant qu’elle aime Bélard.
Un roman où tout est conspirant, où le désir tire toute son énergie des obstacles et des limites qui devraient le contenir. Qui montre le nouement de l’amour, l’exaltation, et sait magnifiquement s’accorder à la vérité musicale des corps émus. Elle a 20 ans, il a dépassé la soixantaine. Elle est très grande, très belle, brillante, vit avec Roman, qu’elle ne considère que comme « un frère incestueux ». Elle a connu des hommes « qui se contentaient de la remplir, alors qu’elle attendait qu’on l’asséchât ». Et ce corps qui appelle « le dépliement et l’ouverture », elle va l’offrir à Bélard, dont la parole, la différence de génération, la force d’attraction ont suscité chez elle une véritable faim de lui. Libre d’aimer, elle « ne désirait rien d’autre que d’offrir de sa jeunesse ce qu’aucun Roman – on hésite devant la majuscule – n’aurait imaginé possible d’y voir fleurir encore et encore, le goût d’essayer tous les printemps et les étés en un seul automne, qui n’était pas le sien… »
Que si jeune faim eût appétit de lui surprit Bélard, puis très vite le fascina, l’enchanta, l’exalta. « L’amour tardif, inédit, scandaleux d’une si jeune l’avait forcé à déplier en lui des plis et des replis qu’il ne se connaissait pas. » Amour enivrant, douloureux, que, dans l’ombre, Pièra favorise, tout en souffrant cruellement au plus secret de sa chair et de son âme, son amour impossible pour Bélard.
Amour triangulé que la parole assoiffée de sensible de Jean Guerreschi (n’oublions pas que ses deux derniers livres étaient consacrés aux seins : Seins, et Autres seins, Gallimard) interroge, pense, médite, évoque de l’intérieur. L’élan des corps et le calcul de l’esprit, les « accordailles de la chair », le jeu de l’égalité et de la différence, l’art enchanteur de donner du plaisir, il les module et les orchestre avec ce sens des irradiations latérales qui gouverne la patience du destin – car tout ça finira mal. Un destin qui prendra ici les traits de Roman et conduira les protagonistes à New York où les événements vont se précipiter, et l’histoire se poursuivre au gré d’un chassé-croisé de souffrance et d’espoir, de coup de théâtre et de catastrophe, de fusion panique et de compensations évanescentes.
Un roman à la verve parfois rabelaisienne, au style cherchant constamment l’accord entre la forme et l’émotion, mais un roman montrant aussi la puissance du langage, sa charge émotive et pulsionnelle, à travers la façon dont le pouvoir d’énoncer – ou de transformer les énoncés – peut aussi bien permettre de passer du vêtu au nu que de mener à la mort.

Richard Blin

Bélard et Loïse
Jean Guerreschi
Gallimard, 432 pages, 22

Le rouge et le noir Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°117 , octobre 2010.
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