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Domaine étranger Affaire de famille

octobre 2010 | Le Matricule des Anges n°117 | par Thierry Guinhut

Avec A qui la faute ? Sophie Tolstoï répond à son mari Léon, l’auteur de La Sonate à Kreutzer, récit d’un enfer conjugal.

A qui la faute ? (suivi de) Sonate à Kreutzer

à l’occasion du centenaire de la mort de l’auteur d’Anna Karenine, paraissent deux nouvelles traductions d’un récit empruntant son titre à Beethoven. En effet, c’est lors d’un duo qu’un homme et une femme, par ailleurs mariée, communiquent dans l’accord musical autant que des âmes. Podnychev, le mari, en conçoit une jalousie digne d’Othello. Trouvant sa moitié dînant avec le violoniste, il la poignarde avec fureur. Racontée dans un wagon nocturne par le coupable, cette confession est un roman à thèse dénonçant avec violence l’hypocrisie de l’institution du mariage et la pourriture morale de la sexualité. Sous les abords d’un mariage de sentiments, autre nom d’une « prostitution légalisée », le sordide de la réalité conjugale et de ses querelles est flagrant entre « deux forçats qui se haïssent l’un l’autre ». On lit la description d’un cas clinique de la « stimulation systématique de la concupiscence », pour qui « l’amour c’est quelque chose de repoussant et de malpropre ». Dès 1891, la polémique heurta de plein fouet Tolstoï et son entreprise de démolition : pour lui tout désir charnel, même sanctifié, n’est que putréfaction et rien ne vaut la chasteté absolue. La crise religieuse du maître est passée par là. La sûreté psychologique, le profil halluciné des personnages, s’affichent dans le cadre d’un récit réaliste, voire naturaliste. Ici l’écrivain Tolstoï est un analyste génial, sauf si, comme avéré dans sa postface, il exprime ses convictions puritaines, inhumaines, fanatiques, morbides…
évidemment, sa femme Sofia n’atteint pas à la violence obsessionnelle de La Sonate à Kreutzer. Ni à sa puissance narrative et argumentative. Mais elle est plus sensée, défendant la dignité féminine dans une réécriture plus nuancée : A qui la faute ? où le point de vue interne est celui d’Anna, trop jeune mariée idéaliste. En un habile contrepoint du récit du maître, Sofia conte les souffrances de l’épousée, ouverte au monde et à l’art, qui subit quatre grossesses, veille sur ses enfants, soumise aux assauts sexuels autant qu’à l’humeur et à la jalousie de son époux, le Prince Ilmenev, sans avoir « une réconciliation de l’âme, pure, vraie, mais une réconciliation des corps ». Elle est « sans mari-ami », lorsqu’un ancien camarade du Prince vient répondre à ses aspirations. Cette tendresse, bien que platonique, aiguise la possessivité du mari qui lui lance un mortel presse-papier de marbre à la tempe. « La faute en incombe presque toujours au mari, c’est qu’il n’a pas pu satisfaire aux exigences poétiques que manifeste la nature féminine, ne donnant en échange que le seul coté ignoble du mariage. » Ce récit inédit, postromantique, peut pécher par une idéalisation partisane de la femme, il n’en pose pas moins lui aussi la question jamais résolue de la sexualité et du couple.
C’était une idée pertinente de publier ces deux récits en miroir. Au point qu’Albin Michel, cette rentrée, en propose une autre traduction, plus lyrique. Mais en ajoutant un autre inédit de Sofia, Romance sans paroles (l’amour impossible pour un pianiste pousse une femme à la folie) et la réponse de leur fils qui dénonce avec simplisme l’absurdité de l’intransigeante chasteté, les éditions des Syrtes en révélènt les échos familiaux.
Tolstoï père est le plus grand, mais Sofia est celle qui a raison d’aimer la vie. Outre qu’elle fut la mère de ses enfants, aussi sa copiste, on peut comprendre qu’admirant la puissance de l’œuvre, elle fut révoltée par le camouflet qu’il lui infligeait, elle qui était la pure admiratrice d’un pianiste, quand son mari délirait dans ses prêches rétrogrades. Comme Clara Schumann, ou Fanny Mendelssohn, elle est de ces femmes dont l’Histoire est en train de reconnaître, au-delà de l’ombre maritale ou fraternelle, les créatrices de talent ; non sans l’embryon d’une réflexion féministe.

Thierry Guinhut

La Sonate à Kreutzer
Léon Tolstoï
Traduit du russe par Michel Aucouturier
(suivi de)
A qui la faute ? et Romance sans paroles
Sofia Tolstoï
(et)
Le Prélude de Chopin
Léon Tolstoï fils
Traduits par Evelyne Amoursky
Éditions des Syrtes, 386 pages, 22

Affaire de famille Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°117 , octobre 2010.
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