Un livre

Nouvel abécédaire russe

de Katia Metelizza

Editions Allusifs

Jadis, en France, le lait était tellement crémeux qu’on utilisait un anti-monte-lait, une rondelle de verre, afin qu’il ne versât point de la casserole. Certains en conservent une émouvante nostalgie. Peut-être en était-il de même en Union Soviétique ? La journaliste Katia Metelizza traque à l’instar du Roland Barthes des Mythologies, ce qui, objets, us ou coutumes, constitue les archétypes d’un imaginaire populaire. Du A d’Arrivée qui évoque l’institutionnalisation de la queue dans les aéroports russes au Z de Zèbre qui à partir d’un cheval maquillé s’interroge sur l’irruption du faux dans la société moscovite : CD piratés, marques contrefaites, certificats truqués, sourires mécaniques, faux rires… Elle surligne avec autodérision, exagération, en jargonnant comme une fausse ethnologue, une fausse ingénue, maniant un humour aussi bonhomme que perfide ce qui, malgré guerres, crises, passage d’un régime politique à un autre, représente des invariants. Le bol de soupe prend des allures de mets sacré. « De toute évidence, la composition complexe de cette substance liquide obtenue au terme d’une macération contient quelque élément secret quasi magique… mais de quoi ? D’attention amicale ? D’un élixir fortifiant ? » La Grande Coupure Annuelle d’Eau Chaude « est la manifestation d’une puissance supérieure, d’un intellect transcendant qui se plaît à imposer aux habitants de la capitale russe une petite épreuve annuelle. Afin qu’ils ne se vautrent pas dans la volupté. » Le passage sur le patriotisme stigmatise la bêtise et le fait qu’aimer Moscou ou la Russie s’avère une tâche pénible.
Un ouvrage à la belle mise en page, où le cocasse masque souvent la gravité, qui peut jouer avec l’exotisme tout en nous rendant les Russes proches et ressemblants. « Et si on commandait plutôt une autre bouteille de vodka ? Enfin une phrase qui respire l’authenticité ! »

Dominique Aussenac

Nouvel abécédaire russe
Katia Metelizza
Les Allusifs, 165 pages, 20 €