Aujourd’hui, 28 décembre 1950 est mort Sigismund Dominikovitch Krzyzanowski, auteur de littérature fantastique et génie négligé. Pas une ligne de lui ne fut publiée de son vivant. » Ces lignes, tracées sur un carnet par l’écrivain Georg Chengueli, furent retrouvées après sa mort par Vadim Perelmouter qui devint par cette découverte involontaire l’éditeur russe et le passeur à l’étranger d’une œuvre de quelque trois mille pages totalement inconnue. En France, ce sont les éditions Verdier qui ont pris le relais en traduisant et en publiant depuis 1991, les principaux textes de l’œuvre de Krzyzanowski. Avec un objectif à terme : en publier l’intégralité, soit au total cinq romans, plus d’une centaine de nouvelles, une douzaine de pièces de théâtre, de nombreux scénarios et articles… tout cela étant censé tomber dans le domaine public en 2021.
Krzyzanowski est né le 11 février 1887 dans les environs de Kiev. S’il faut rapidement s’habituer à n’avoir le concernant que des informations partielles, on sait néanmoins qu’après avoir fait son droit, il a surtout beaucoup flâné dans des champs du savoir aussi divers que les mathématiques, la physique, la philosophie ou l’astronomie. Des voyages le conduisent ensuite, à l’âge de 25 ans, dans différentes universités à travers toute l’Europe, notamment en France, en Italie et en Allemagne. Ces éléments biographiques, même indistincts, suffisent à envisager une œuvre qui sera toujours marquée par deux traits distinctifs : un cosmopolitisme littéraire érudit et polyglotte d’une part, des thèmes éclectiques d’autre part, qui feront de l’écriture un milieu hétérogène intégrant la science, ou encore la philosophie, notamment les grandes références intellectuelles du moment : Schopenhauer, Kant, Nietzsche, Marx, Stirner ou le mathématicien Minkovski.
Rédigé en 1929, Souvenirs du futur conserve une trace de cet éclectisme. Le personnage principal de ce roman, Maximilien Sterer, est un Allemand russe de la Volga. Génie précoce, il découvre en assistant à la réparation de la vieille horloge parentale l’énigme du temps, moteur du devenir et de l’histoire. Scène primitive, qui décide de sa vocation : il sera l’horloger du temps, capable de réparer les heures et les jours, lorsque ceux-ci ne tournent plus rond.
Son écriture s’entrecoupe souvent d’exposés de science-fantaisie, autant de territoires privilégiés où la fiction trouve à se régénérer.
L’époque se prête à semblable projet littéraire, à l’heure où l’URSS sombre dans le stalinisme. Aussi Maximilien Sterer se lance-t-il dans la conception de sa machine à voyager dans le temps, un « coupeur-temps » dont la Première Guerre mondiale vient interrompre la fabrication. On sait que Krzyzanowski lui-même fut mobilisé par ce conflit, période durant laquelle sa trace se perd. Peut-être, comme Maximilien Sterer, trouva-t-il la première occasion pour se constituer prisonnier puis négocier un transfert vers la Russie alors tout juste...
Domaine étranger À contretemps
La parution de Souvenirs du futur offre une occasion supplémentaire de découvrir une des œuvres les plus importantes du siècle dernier… et de voyager, aux côtés d’un inventeur soviétique, dans l’avenir d’une illusion.