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Égarés, oubliés Invention galopante

novembre 2010 | Le Matricule des Anges n°118 | par Éric Dussert

Auteur du débridé La Mouche, le chevalier de Mouhy, imaginatif, prolifique et décrié, eut des visées énigmatiques. Astucieux ou bel esprit ?

La Mouche ou les Espiègleries et aventures galantes de Bigand

Le Chevalier de Mouhy : Bagarre Et Bigarrure

Dans les Oubliés et les Dédaignés (Poulet-Malassis, 1857 ; Plein chant, 1993), au chapitre des « originaux » de la fin du XVIIIe siècle, Charles Monselet s’est penché sur le sort étrange du chevalier de Mouhy, figure d’entre deux eaux, qui doit un peu de sa postérité à son amitié avec le chevalier de la Morlière (1719-1785), le fameux auteur grenoblois d’Angola, histoire indienne (1746) avec lequel il jouait, le soir tombé, au tric-trac. Son œuvre personnelle, aujourd’hui bien étudiée, n’avait pourtant pas de quoi le faire rougir. Si Monselet le classe comme initiateur de « la série des romanciers bourbeux » de son siècle, il ne faut pas y voir malice : son analyste entendait souligner par là le réalisme mis en œuvre par ce « pauvre auteur si maltraité des biographes ». Après son décès, le 29 février 1784, la Bibliothèque universelle des romans publia en effet ce commentaire ambivalent : « Tout le monde sait que le Chevalier de Mouhy imagina beaucoup, pensa peu et écrivit mal. Les romans du Chevalier de Mouhy se font lire sans se faire estimer ; et sont peut-être par là au-dessus des ouvrages qui se font estimer sans se faire lire. » Signe indiscutable de la notoriété du personnage, mais aussi du rang qu’on lui attribuait en littérature : celui de la « basse romancie ».
Né à Metz le 9 mai 1702, Charles de Fieux, chevalier de Mouhy, terriblement pauvre et laid à faire peur, vint chercher à Paris de quoi vivre de sa plume à l’âge de 33 ans. Il entama en 1736 la publication parallèle des premières parties de six romans différents – la mode était alors aux romans par épisodes, préfiguration du roman-feuilleton du siècle suivant – dont celle de La Mouche (espion de la police en argot), récit d’aventures pas seulement picaresques, mais aussi amoureuses, sexuelles, fantastiques, tragiques, bref, un livre plein d’allant et touffu qui reparaît aujourd’hui dans une édition de René Démoris et Florence Magnot-Ogilvy. C’est son chef-d’œuvre, il mérite d’entrer dans toutes les bibliothèques où il y fera sans coup férir de l’ombre : en suivant le courant de ses pages, on constatera que l’imagination fait des miracles dont le lecteur d’aujourd’hui est assez sevré. Le généreux Monselet jugeait que La Mouche, ou les aventures de M. Bigand (1736), ce laid petit homme issu lui aussi du peuple, était « un bon, un joyeux, un vivace roman (…) d’un ton plus cru et d’un son plus turbulent que les odyssées espagnoles de Le Sage (qui fait) pressentir les romans de Pigault-Lebrun ; – je parle du Pigault-Lebrun des bons jours, du Pigault-Lebrun de Baron de Felsheim et de Mon Oncle Thomas, soldatesques orgies ».

« Tout le monde sait qu’il imagina beaucoup, pensa peu et écrivit mal ».

En 1736, le chevalier de Mouhy s’engagea assez vite auprès de Voltaire après lui avoir demandé de l’argent. Chargé de lui transmettre des informations fraîches – « des nouvelles très-courtes, des faits sans réflexions, et plutôt rien que des faits hasardés » (Voltaire) – et, à l’occasion, soutien et couverture, il accumula les publications à bon rythme, ce qu’on lui fit payer sans doute, en s’inspirant de sa prolifique imagination ou des zones en jachère d’œuvres de ses contemporains. Avec ou sans nom d’auteur, dans le registre de la fiction ou de la chronique, il publia les Mémoires d’une fille de qualité qui ne s’est point retirée du monde (1747) d’après Prévost, La Paysanne parvenue (1735), d’après Marivaux, Paris, ou le Mentor à la mode (1735), les Mémoires du marquis de Fieux (1735-1736), Contes de cour (1740), Lettre d’un seigneur anglais écrite de Paris à Milord Clarktone sur la maladie du roi (1744), Les Délices du sentiment (1753), Le Financier (1755), ou un bancal Abrégé de l’histoire du Théâtre-Français depuis son origine jusqu’au 1er juin 1780, soit plus de quarante volumes…
Pour poursuivre sur la biographie un peu floue de notre auteur – il fut romancier, mais aussi libraire, prétendument officier de cavalerie, « importun de café, ayant toujours les poches bourrées de ses ouvrages » (Monselet), membre de la Claque rémunérée – retenons encore ce qu’a dit de lui l’essayiste Patrick Wald-Lasowski : « Démêlé, bagarre et bigarrure, voilà ce qui agite Mouhy sous les dehors de la mondanité ». Mouhy était aussi prolifique qu’imprévisible et son œuvre, les intentions, interférences littéraires et arrière-plans politiques qui la trament, forment de passionnants sujets d’étude. On se demande ainsi pourquoi dans le Financier, il fit du fermier général, figure honnie de puissant assoiffé d’argent, une sorte de saint, à l’instar du romancier qui dédie ses ouvrages aux puissants avec générosité, posant ainsi la question de sa propre position face aux clichés de son temps et à la morale en usage. Il n’en reste pas moins qu’« il servit de plastron aux quolibets de ses confrères » et la fantaisie délirante de Lamékis ou le réalisme de La Mouche de cet « écrivain caméléon » (Annie Rivara) ne lui furent d’aucun secours. Par bonheur, les lecteurs d’aujourd’hui ont désormais la possibilité de revoir les attendus de la postérité.

Éric Dussert

La Mouche ou les aventures de M. Bigand
chevalier de Mouhy
Classiques Garnier, 664 pages, 26

Le Chevalier de Mouhy : bagarre et bigarrure
Etudes réunies par Jan Herman, Kris Peeters et Paul Pelckmans
Rodopi, 242 pages, 48

Invention galopante Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°118 , novembre 2010.
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