Dans la voiture 16 du TGV 9864 Nice-Bruxelles, Étienne Montgolfier, adepte d’une approche éthologique des comportements sexuels, observe les micro-stratégies libidinales d’un échantillon de séducteurs de tout poil. Un voyage à 300 km/h à bord d’une « grande écurie ferroviaire », avec ses allées et venues, ses arrêts en gare et son équipage engageant, voire égrillard, est l’occasion rêvée de saisir les prémices d’une aventure érotique ou amoureuse. Essayiste et romancier, Jean-Pierre Martin semble avoir pris un malin plaisir à enfermer ses cobayes de papier dans le wagon d’un train polyglotte et cosmopolite qui, prosopopée faisant, avoue être une « chaude partisane du contact humain ». Par l’entrecroisement des monologues d’un chapelet de passagers, Les Liaisons ferroviaires esquisse un facétieux madrigal à l’ère du speed dating, de Meetic, d’Easyflirt et de chichou. com.
Hors l’artefact redondant qui consiste à affubler la plupart des personnages d’un sosie de star et le sentiment que cette ingénieuse traversée aurait mérité plus de gauloiseries, le lecteur des Liaisons ferroviaires n’aura pas à regretter de ne pas être resté à quai. Entre les annonces excentriques d’un jeune steward, les approches balourdes d’un sérial-séducteur, l’insistance d’un contrôleur auprès d’une analyste et, entre autres, les atermoiements d’un séduisant saxophoniste, Jean-Pierre Martin décoche des traits fulgurants. Ainsi, alors que le conducteur, véritable « poète du rail », est obnubilé par le tableau de bord d’Alice, un spécialiste de la « névrose du roulant » affirme que la « frigidité c’est quand la morale et la psychologie couchent ensemble ». Ou bien, quand Etienne Montgolfier médite sur la durée de l’orgasme sexuel de l’écrevisse, une dix-septiémiste maugrée contre la « cruauté pathétique des passionnés larmoyants, les sanglots longs des violons, les trémolos du flamenco ou du fado, la balalaïka », tout en pensant qu’elle intitulerait volontiers sa conférence sur les Lettres portugaises de Guilleragues « La cruche et le blaireau ».
Jérôme Goude
Les Liaisons ferroviaires
Jean-Pierre Martin
Champ Vallon, 216 pages, 17 €
Domaine français Les Liaisons ferroviaires
mars 2011 | Le Matricule des Anges n°121
| par
Jérôme Goude
Un livre
Par
Jérôme Goude
Le Matricule des Anges n°121
, mars 2011.