Un jeune ethnologue décroche un CDD de trois mois pour réaliser une sorte d’audit sur la cité HLM des Pigeonniers sise dans une Ville Nouvelle. Le quartier est promis à une rénovation dont la première étape sera paradoxalement sa démolition. Charles (c’est le nom de notre héros sans silhouette) est choisi car il est banlieusard, ce qui était une condition nécessaire pour pénétrer l’âme kaléidoscopique des lieux. Le nouveau roman de Charles Robinson nous plonge dans les Cités (il y met une majuscule) aussi vite qu’une noisette de beurre filerait sur une poêle brûlante. La phrase va vite, court d’une vie l’autre, filme des scènes incongrues, sculpte des destins figés, laisse entendre l’incongruité des discours, renoue avec une enfance émouvante, et finit par faire jaillir des pages une vie vraie, dense et multiple. Objet difficile à circonscrire, ce roman, premier volet d’un diptyque annoncé semblait être écrit par un vieux monsieur juvénile, qui aurait conservé la fraîcheur de son esprit ironique à l’ombre d’une bibliothèque bien fournie. Mais Charles Robinson a 38 ans, pas assez d’expérience de l’édition pour donner ses rendez-vous ailleurs que dans un café bruyant dont il imagine que l’emplacement satisfera son interlocuteur, quand il l’oblige, lui-même, à un long déplacement.
Ce Parisien de naissance ne tient pas à évoquer sa biographie. Il laisse entendre une enfance dans une famille modeste où « la seule porte d’entrée vers la culture, c’était le roman ». Il va lire « tardivement » mais avec appétit au sortir de l’adolescence. Il va aussi écrire durant « dix ans de manière intensive. Cette période m’a permis d’épuiser les romans personnels, d’éliminer la mauvaise graisse. » Il ne le sait probablement pas, mais Olivier Cadiot est pour beaucoup dans la vocation de Charles Robinson. La découverte de Futur, ancien, fugitif (P.O.L) lui ouvre des perspectives neuves tout comme l’œuvre d’un Jacques Roubaud. Justement, Génie du proxénétisme, son premier livre sort en même temps que la touche finale du Grand Incendie de Londres de Roubaud, un signe. Chez le même éditeur, dans la même collection, qui plus est : « pour moi c’était important d’être publié par « Fiction & Cie ». C’est là aussi qu’a été édité Pynchon. »
Charles Robinson parle vite, comme si sa parole et sa phrase couraient après une pensée d’une rare agilité, comme si son appétit de dire le monde se nourrissait de lui-même. Propos échangés dans les bruits d’un café, puis repris par courrier électronique, avec, on l’imagine, une même rapidité à taper les touches du clavier…
Dans les Cités est un roman qui peut faire rire, penser, voir, émouvoir… Quels objectifs initiaux vous êtes-vous donnés au démarrage de ce projet ?
À l’origine, il y a deux ou trois histoires que je voulais raconter depuis longtemps. L’une autour du personnage de M : un caïd à la coule, un malin doté d’un bel et puissant appétit, aussi émerveillé par Tony Montana que par Steve Jobs. Un...
Entretiens Droit de cité
Découvert il y a trois ans par les éditions du Seuil avec le revigorant Génie du proxénétisme, Charles Robinson revient cette année avec un roman inventif, drôle et émouvant. Dans les Cités démontre une puissance créatrice pour le moins hors du commun. Un délice dans lequel se perdre.