Tenu pour un remarquable conteur, l’écrivain péruvien Julio Ramón Ribeyro (1929-1994) avait une préférence pour la forme brève. Ce volume propose l’intégralité de ses deux cents courtes proses, « apatrides » en ce qu’elles sont, non pas l’œuvre d’un exilé (ce qu’il fut pourtant), mais des textes n’appartenant à aucun genre littéraire défini, sinon au fragment, qui est sans doute le genre de l’absence de genre. Ce sont en outre des pièces qui n’ont pas trouvé place dans les livres qu’il a publiés et auxquelles il manque donc « un territoire littéraire qui leur soit propre ».
Placées sous le patronage assumé de Baudelaire et du Spleen de Paris, ces proses, datant des années 1950 pour les plus anciennes, et des années 1980 pour les plus récentes, trempent leur racine dans la poésie du quotidien (« Je ne crois pas que pour écrire il soit nécessaire d’aller chercher des aventures. La vie, notre vie, est l’unique, la plus grande aventure », note-t-il au fragment 180) : Ribeyro y évoque des lectures, des rencontres, les bibliothèques personnelles, ses propres enfants (qui lui arrachent d’ailleurs ses fragments les plus réussis). Le lecteur trouvera un authentique plaisir à circuler de texte en texte et à passer de l’anecdotique à des considérations plus essentielles sur la nature humaine. Pour l’auteur, c’était « probablement le meilleur » qu’il ait donné de lui-même.
Didier Garcia
Proses apatrides
Julio Ramón Ribeyro
Traduit de l’espagnol par François Géal
Finitude, 176 pages, 16,50 €
Domaine étranger L’art du fragment
avril 2011 | Le Matricule des Anges n°122
| par
Didier Garcia
Un livre
L’art du fragment
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°122
, avril 2011.