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Domaine étranger Retour du refoulé

avril 2011 | Le Matricule des Anges n°122 | par Thierry Guinhut

Autour d’un professeur exilé, les protagonistes menaçants de la mémoire roumaine resurgissent sous la plume de Norman Manea.

Echappée à deux totalitarismes successifs, nazisme et communisme, la Roumanie penserait-elle renouer avec de vieux démons ? En ce sens Norman Manea est un témoin intérieur et une conscience de l’histoire de son pays. Né en 1936, jeune juif, il est déporté. Il est ingénieur puis écrivain, lorsque la censure roumaine s’attaque violemment, en 1986, à L’Enveloppe noire. Il est alors contraint de quitter le pays pour Berlin, puis New York (qu’il appelle ici « le Dada des exilés ») où il enseigne la littérature européenne. Il reste source de controverses en Roumanie de par sa critique de l’antisémitisme endémique et des relectures tendancieuses de l’histoire nationale. C’est ainsi que son essai consacré à Mircea Eliade (en 1991) et s’attachant au passé pro-fasciste de l’historien des mythes passa pour un crime de lèse-majesté. Après la fresque biographico-politique du Retour du hooligan, qui fut un succès, cette Tanière jette un nouveau froid sur le passé nauséabond de la Roumanie.
Le professeur Gora, réfugié dans la quiétude des Etats-Unis et la « tanière » de sa bibliothèque, va devoir interrompre sa « thérapie du passé » pour assister au retour du refoulé. Ce en les personnes de son ex-femme, Lu, et de son amant, Peter Gaspar, qui vient semer la zizanie. Menacé de mort, ce dernier entraîne Gora dans la spirale de la peur et du soupçon, dans une enquête qui intéresse le FBI. Ce sont des histoires de rivalités familiales, d’amant, de maîtresse et de trahison, d’étranges complots érotiques qui reviennent à la surface : « Dans le roman, le véritable ennemi, c’est la mémoire, le trauma infligé à l’identité. Les termes de la biographie deviennent des impulsions morbides », note une étudiante de celui qui pratique l’art des nécrologies, jusqu’à ce qu’il envisage la sienne, la « Nécrologie de Gora ».

« Servitude volontaire ».

Pire encore, sont la remontée, la réactualisation d’anciens tropismes d’extrême-droite, liées à des assassinats, perpétrés ou envisagés. Ainsi la figure emblématique et vénérée du « Maître », le « vieux Dima », célèbre et profond érudit national ne laisse pas d’être trouble, voire terrifiante. L’attachement de disciples et de séides de mouvements politiques (pour le moins réactionnaires) à l’honneur de « l’icône », les conduirait au pire. A moins qu’il s’agisse d’un masque à peine opaque posé sur le grand essayiste, l’historien des mysticismes et de la terre-mère, l’auteur de Rêves, mythes et mystères : Mircea Eliade tel qu’en lui-même le fascisme dissimulé le change… L’on se demande d’ailleurs si l’ère de la démence incarnée par Ceausescu n’est pas une autre facette du même phénomène. Manea lui-même confirma dans un récent entretien avec le webzine La Vie littéraire « les similarités entre les deux systèmes totalitaires, apparemment opposés qu’étaient le nazisme et le communisme ». Ainsi il met en scène une problématique passionnante et inquiétante sur le destin des peuples et des nations. Peut-on se débarrasser si facilement des atavismes de la tyrannie, et de la « servitude volontaire », pour reprendre le titre de La Boétie, devant les brutes, les héros et les intellectuels charismatiques adonnés aux perverses manœuvres de pouvoir…
D’une certaine manière, ce vieux professeur qui voit resurgir des personnages de son passé n’est pas sans faire penser à ceux de Philip Roth. Mais sans la précision de la narration, l’acuité de l’écriture de ce dernier. Car entre introspection, monologue intérieur, dialogues et allusions disertes à Kafka ou Borges, ces maîtres du labyrinthe (qui est un thème récurrent du roman), le ragoût d’idées justes et de personnages soigneusement représentatifs a parfois un peu de mal à prendre, à mi-chemin du thriller et du policier d’investigation, du roman à thèse et de l’impressionnant coup de sonde dans une histoire autant intimement personnelle qu’européenne.

Thierry Guinhut

La Tanière
Norman Manea
Traduit du roumain par Marilyn Le Nir
Seuil, 368 pages, 21

Retour du refoulé Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°122 , avril 2011.
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