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Domaine étranger La cinquième saison

avril 2011 | Le Matricule des Anges n°122 | par Serge Airoldi

Avec Stabat Mater, Tiziano Scarpa invite le lecteur à Venise dans un orphelinat où une jeune fille sombre dans la folie avant de se libérer grâce à la musique.

Que les lecteurs pressés, simplement tentés par une promenade romanesque dans Venise, prennent garde aux surprises auxquelles ils pourraient s’exposer. Si ce livre a remporté le prestigieux prix Strega en 2009, c’est bien par ses vertus littéraires, son architecture conçue comme une partition, riche d’un plain-chant, de fugues, de mélodies. Tout simplement riche d’une musique intense et ciselée.
Après Venise est un poisson où il accompagnait le visiteur dans sa ville natale, Tiziano Scarpa est donc de retour avec ce roman en forme d’une longue lettre qui donne au genre épistolaire de nouveaux attraits. C’est Cecilia qui écrit, toutes les nuits. La jeune fille de 16 ans adresse ces lettres à sa mère, « Madame Mère », qui l’a abandonnée là, à sa naissance, dans cet orphelinat abrité par l’hospice de la Pietà. Ces lettres écrites comme une folie qui s’installe peu à peu, semblables à des incantations, ne sortent pas du huis clos dans lequel la jeune fille est enfermée, avec d’autres comme elle, toutes engagées sur le chemin de la musique et d’une éducation rigoureuse.
Le jour, Cecilia joue du violon. La nuit, portée par une marée d’eaux noires, « un liquide empoisonné », elle se noie dans une enquête impossible à la recherche de sa mère, souffrant de devoir trouver des réponses dans le silence, questionnant les fantômes, les cauchemars, les terres approximatives comme elles le sont souvent dans la lagune.
Cecilia, elle, est dans une déconstruction, un affaissement, un engloutissement. En cela, Scarpa le Vénitien n’avait qu’à se mettre à sa fenêtre pour installer son intrigue et composer un tel oratorio. Pas un opéra avec les grands effets du genre. Mais un oratorio ambitieux, sévère, tellement fort dans la vague qu’il fait naître.
Pour l’heure, elle est dans une prison, cherchant les bruits de la nuit pour identifier telle ou telle pièce. On se souvient de Henry James qui comparait Venise à un appartement. Elle dialogue avec une femme aux cheveux de serpents, une Gorgone pétrifiante. Elle délire avec un effroi que l’on devine, assiste à la mort des chatons à peine nés, « nés sans voir le jour ». Elle avale une dent qui tombe de sa bouche, elle imagine le dehors, il y a des siècles. Elle pense à cette eau incertaine des débuts et à ces îles fangeuses, elle se persuade que la lumière, au fond, crée de l’obscurité. Elle questionne les mots, apprend malgré tout à nommer, à inventer un monde, même flou, même sans oxygène. Elle interroge sa mère absente, cette mère en souffrance, cette mère debout pourtant, quelque part, cette Stabat Mater : « J’essaie d’éprouver dans mon corps cette honte qui a été la vôtre. Que ressent-on quand on doit porter son erreur dans son corps ? ». Alors Cecilia chaparde un cœur de cochon à la cuisine, le laisse pourrir dans un chiffon et le plaque sur son ventre pour que l’odeur fétide traverse sa robe, ses entrailles.
Heureusement la musique est là même si l’art est encore une façon de se perdre : « Nous jouons de la musique sous l’eau. Nous jouons de la musique dans le ventre de notre mère, dans les viscères de la mort. Nous sommes des poissons abyssaux et chantons de n’être jamais venus au monde. » Un jour, après des années à supporter un professeur vieux, laid et médiocre, un jeune prêtre aux cheveux roux apparaît. C’est Vivaldi et Scarpa, lui-même né dans la maternité de la Pietà en 1963, grand admirateur du compositeur, ne boude pas son plaisir. Les musicologues ne trouveront pas dans ce livre une hagiographie de l’auteur des Quatre saisons mais l’homme radical dans sa méthode pédagogique qui sauve la jeune fille. Elle trouve en elle les ressources et s’envole un jour vers son destin. Libre, enfin.

Serge Airoldi

Stabat Mater
Tiziano Scarpa
Traduit de l’italien par Dominique Vittoz
Christian Bourgois, 142 pages, 14

La cinquième saison Par Serge Airoldi
Le Matricule des Anges n°122 , avril 2011.
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