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Domaine français Marins à terre

mai 2011 | Le Matricule des Anges n°123 | par Thierry Guichard

Écrites à la lisière du silence, les neuf nouvelles d’Hubert Mingarelli renvoient l’homme à une solitude originelle, peuplée seulement du souvenir de quelques-uns, rencontrés au bord de la route.

La Lettre de Buenos Aires

Il entre de la grâce dans cette manière avec laquelle Hubert Mingarelli impose l’évidence d’une voix. Comme si chaque narrateur, ici, avait trouvé le ton de la confession, sans afféterie, sans épanchement, le plus simplement du monde. Nous sommes dans une forêt, au pied des montagnes, sur le pont d’un bateau, dans le no man’s land d’une ville portuaire, en des lieux nommés ou non, mais toujours au plus près de celui qui parle.
« Un seul est parti », qui ouvre ce recueil, possède une brièveté éclatante. Un homme vit seul au bord de la mer, en une retraite qui signale une blessure. Un jour, monté sur le toit de sa maison, il voit deux hommes épuisés, au loin, fuir sur la plage un groupe d’individus qui les poursuit. Rien ne sera dit des raisons de cette chasse, ni même de sa conclusion, notre témoin ayant décidé au moment fatal de porter son regard ailleurs, saisi par anticipation d’une douleur devant ce qui doit advenir. Mingarelli n’a besoin que de peu de mots, de phrases directes qui n’empêchent pas une forme de poème écrit dans les silences qu’elles laissent entre elles.
Accompagnés d’un gamin, d’un ami endeuillé ou transportant dans leurs poches des plumes d’oiseaux ou de la sciure de bois, les personnages restent ancrés dans une solitude que l’errance ne fera qu’habiter. Dans « La Beauté des choses », deux hommes (un père et son fils ?) bivouaquent au pied d’un paysage dont le plus âgé voudrait faire voir la beauté à l’autre, indifférent. La solitude niche là, au cœur de ces expériences intimes et impartageables, qui désarment les mots, les rendent inutiles.
Il en faut peu, des mots, pour que des hommes se trouvent : ce sont deux soldats en déroute, autour d’un feu qui échangeront difficilement la peur d’affronter le récit de ce qu’ils ont vécu dans « Qui se souviendra de nous ». C’est un soldat fou, rencontré par le narrateur de la nouvelle éponyme durant sa longue chute, et qui transformera ses injures en bribes de récit, puis en une guitare qu’il offrira à son compagnon d’infortune.
On trouve, dans ces neuf nouvelles, plus d’un marin débarqué qui, à l’instar du héros de « Pas d’hommes pas d’ours », vont chercher dans l’errance et la nature, l’oubli d’une faute, d’une souffrance, d’une illusion. Dans cette avant-dernière nouvelle (on pense au magnifique Into the wild de Sean Penn), un jeune marin de la marine marchande s’enfonce au cœur d’une forêt immense, muni d’un fusil et de quelques pauvres vivres afin d’affronter une peur qui lui colle à la peau. On entre avec lui dans cette nature qui impose une forme de dénuement extrême, on est saisi avec lui par la rencontre qu’il y fera d’une femme et de ses deux filles, on remontera avec lui le cours du temps, vers cet épisode qu’il fuit ou dont il tente d’apprivoiser le souvenir.
La dernière nouvelle, qui donne son titre à l’ensemble, apporte une tonalité nouvelle aussi bien dans le recueil que dans l’œuvre de l’écrivain. « La Lettre de Buenos Aires » suit les derniers instants d’un bourlingueur, parti pour échapper, imagine-t-on, à la paternité, ayant passé le plus clair de son temps en Argentine où il serait parvenu à écrire à ce fils abandonné une lettre qu’il n’a jamais envoyée. Employé d’une scierie qu’il devra quitter à la mort de son ami José Moncada, il se retrouve épave en zone portuaire, attendant de trouver un navire pour le ramener chez lui. Hubert Mingarelli décrit cette déchéance avec une pudeur qui n’empêche pas l’effroi. L’homme mourra aux pieds d’un enfant qui s’appelle Angel et qui, dans le délire de la maladie, fera office du fils recherché, pour un ultime pardon. Cette dimension sociale et douloureuse sur quoi s’achève le recueil offre aux démunis, aux délaissés, un rôle au cœur de notre humanité : ils portent sur eux notre impénétrable solitude.

T. G.

La Lettre de Buenos Aires
Hubert Mingarelli
Buchet Chastel, 180 pages, 15

Marins à terre Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°123 , mai 2011.
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