La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine étranger Louisiana Tales

janvier 2012 | Le Matricule des Anges n°129 | par Yves Le Gall

Kate Chopin décrit la vie dans les bayous après la guerre de Sécession. Un mélange surprenant de conservatismes et d’émancipation.

Le Sorcier de Gettysburg

Abordant les thèmes de l’épanouissement d’une femme de La Nouvelle-Orléans et de sa sexualité, L’Éveil de Kate Chopin avait créé un scandale dès sa publication en 1899. Ce recueil inédit de dix-huit nouvelles permet de découvrir d’autres facettes de cet écrivain né en 1851 à Saint-Louis dans le Missouri. Chacune est une plongée dans la Louisiane de la fin du XIXe siècle (hormis la première) et de ses diverses communautés (Créoles, Cajuns, Indiens, anciens esclaves noirs). La vie s’y déroule au cœur d’une nature luxuriante : cornouillers, grenadiers, magnolias, lilas des Indes, dont les grappes de fleurs couvrent les murs des habitations ou bordent les champs de coton. Mais ces images paradisiaques sont ternies par les souvenirs de la guerre de Sécession qui hantent toujours les esprits.
Les ombres de l’histoire sont très présentes et se manifestent sous forme d’apparitions incessantes de scènes de guerre, de pillage et de désordre. La belle Octavie pourrait savourer le spectacle paisible de l’éclosion du printemps mais son esprit est envahi de sinistres images de soldats morts. Et parmi ces cadavres, Edmond, son bien-aimé. M’sié Jean-Ba espère chaque Noël la visite de son fils, qui ne reviendra jamais à la table familiale. Ma’ame Pélagie ne peut chasser les visions de soldats mettant à sac sa propriété. Chacun vit comme il peut avec ses spectres et sa douleur… Mais qui est ce vagabond, ce « vieux soldat blessé à la bataille de Gettysburg », demandant l’hospitalité à l’entrée de la plantation des Delmandé ? Fantôme amnésique, il connaît pourtant l’endroit où a été enfoui le trésor familial. Il exhumera l’argent peut-être honteux, qui avait été caché, rétablissant sa famille dans sa richesse passée, symbole à lui seul de cette guerre perdue et de la nostalgie de la période de l’avant-guerre des riches Créoles de Louisiane.
Très saisissant est aussi le tableau que Kate Chopin dresse des Cajuns, appelés aussi Acadiens, arrivés du Canada et n’étant pas comme les Créoles descendants des pionniers espagnols ou français. Polydore et Mamouche sont deux gamins cajuns, orphelins, pauvres et un peu niais ayant une fâcheuse tendance à multiplier les bêtises. Mam’zelle Adélaïde généreuse maîtresse de plantation prodiguera toute son affection à Polydore. Quant à Mamouche, il sera accueilli chez John-Luis le vieux docteur créole qui fera de lui un « homme honorable ». Les enfants cajuns peuvent donc compter sur l’aide bienveillante des Créoles. Quant aux Noirs, certains n’ont pas encore compris que l’esclavage était aboli. Le vieil Oswald croit qu’il appartient toujours à ses maîtres et « on ne pouvait pas lui ôter ça de la tête ».
Dans ce monde sclérosé émerge parfois un réel désir de liberté. Gilma, lorsqu’il hérite de la propriété du vieux Gamiche prend son cheval et part, renonçant à la richesse et ses contraintes, « se réveillant d’un rêve grisant mais accablant ». Mais le choix de la liberté n’est pas toujours facile. Mentine vit misérablement aux côtés d’un mari brutal. Doudouce, son amour de jeunesse vient la délivrer mais Mentine restera. Les marges d’évolution restent limitées. Une femme est toujours jugée en fonction de son dévouement envers sa famille. La prose sensible de Kate Chopin exprime subtilement l’existence de cet espace d’indécision où des problématiques identitaires s’affrontent à des forces plus profondes. Curieusement, Kate Chopin ne s’engage pas, semblant accepter toutes les injustices malgré sa réelle empathie pour ses personnages, incitant même à rester au bord de la route et se contenter d’observer, « abandonnée avec l’herbe, les nuages et quelques animaux muets »…


Yves Le Gall

Le Sorcier de Gettysburg
de Kate Chopin
Traduit de l’américain par Marie-Anne de Kisch
Interférences, 175 pages, 17

Louisiana Tales Par Yves Le Gall
Le Matricule des Anges n°129 , janvier 2012.
LMDA papier n°129
6,50 
LMDA PDF n°129
4,00