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Égarés, oubliés Sévir dans les vignes

janvier 2012 | Le Matricule des Anges n°129 | par Éric Dussert

Des précurseurs de l’éthologie, Ernest Menault fut peut-être le plus rigolo. Son portrait de l’eumolpe était-il satirique ?

Ernest Menault était un petit farceur. Du moins, il eût pu l’être et devrait en justice entrer au panthéon des rigolos, par une porte dérobée si l’on veut, pour la raison qu’on va voir… Son nom découvert dans le catalogue des éditions L’Arbre du regretté Jean Le Mauve, permet d’aborder une discipline encore inexplorée ici ainsi que l’une des plus belles réussites de l’édition française : en substance, l’éthologie et la « Bibliothèque des merveilles » dont les reliures en toile estampées d’or à chaud ont conservé un éclat majestueux.
Né et mort à Angerville (1830-1903), Ernest Menault était zoologiste et rédacteur agricole du Journal officiel. Son titre de gloire est la publication en 1868 de L’Intelligence des animaux dans cette fameuse « Bibliothèque des merveilles » de la maison Hachette. Le succès du livre fut considérable (on compte treize éditions françaises et quatre éditions anglo-saxonnes). Le sujet est en vogue, un domaine de savoir s’ouvre et l’animal dont on fait le porte-parole de l’Homme souvent – témoin la superbe et satirique Vie publique et privée des animaux de Grandville (Hetzel, 1841) dont une réédition superbe a été procurée par les éditions Grands Champs. Ce que pensent les animaux, comment et pourquoi ils réagissent sont des interrogations prégnantes et légitimes : on espère les domestiquer plus efficacement et comprendre mieux l’être humain par la même occasion. D’où l’intérêt de cet autre livre de Menault, L’Amour maternel chez les animaux (1874) qui aborde un sujet toujours aussi mystérieux au bipède mammifère que nous sommes. De même que l’intelligence de l’huître, sujet qui devrait tout de même nous interroger au moment des fêtes et auquel Menault consacra généreusement le premier chapitre (brillant) de son Intelligence des animaux..
Ernest Menault se consacra aussi aux insectes, et en particulier aux Insectes nuisibles à l’agriculture et à la viticulture (1886). Outre qu’en des temps de mildiou et de phylloxéra, une France très rurale s’enquit prestement des savoirs de notre homme – bellement mis en scène par des graveurs comme l’artiste Émile Bayard – afin de vaincre dans sa lutte contre le doryphore et autres engeances dévorantes, il est apparu grâce à Jean Le Mauve, qui procura en 1997 une édition à part du chapitre consacré à certain coléoptère, qu’un insecte peut être un drôle de paroissien, voire un artiste.
Cet insecte se nomme l’Eumolpe (Bromius vitis, Adoxus obscurus, A. vitis) et, si l’on en croit la description donnée par Ernest Menault, il se caractérise par une analogie étroite avec les gens de lettres, ce qui le rend fort sympathique quoique peu élégant. Qu’on en juge : « La vigne est attaquée par le Gribouri ou Écrivain ; cet insecte qu’on nomme encore écrivin, escrippe-vin, grippe-vin, besin, diablotin, eumolpe de la vigne, a causé souvent de grands ravages dans les vignobles de la Bourgogne, du Beaujolais, de la Champagne, de l’Île-de-France, du bas Languedoc, etc. Il apparaît aussi, de temps à autre, dans les vignobles du Bordelais »
Croyez bien qu’il nous est difficile de retenir le nom d’auteurs contemporains qui se seront reconnus assez vite. Là où le texte de Menault confine au chef-d’œuvre d’ironie et de satire, c’est lorsqu’il aborde les « Caractères et mœurs de l’écrivain ou gribouri »… On se croirait à Saint-Germain des-Prés… « L’Écrivain ou Gribouri est un très petit coléoptère. C’est à bon droit qu’on l’a regardé comme un Hanneton en miniature. Il est très nuisible aux vignes (…). L’Écrivain à l’état d’insecte parfait est rustique ; il ne craint ni la chaleur ni la pluie. Il subit plusieurs transformations pendant le cours de son existence. Leur tête est arrondie, sillonnée et jaune brunâtre ; leur corps est blanchâtre, garni de poils épars jaunâtres, composé de quatorze anneaux, et il porte six pieds. Leurs antennes sont très courtes (…). C’est toujours quand les bourgeons sont développés que l’écrivain apparaît à la surface du sol pour grimper le long des ceps, atteindre ensuite les jeunes pousses, ronger les feuilles et détruire en partie les nouvelles grappes. L’accouplement a lieu pendant le mois de juin.
Le Gribouri saute plus qu’il ne vole. C’est pourquoi un certain nombre de vignerons le désignent encore sous le nom de diablotin.
Les mâles et les femmes ne meurent pas toujours après l’accouplement et la ponte. Un assez grand nombre des uns et des autres continuent à résider sur les vignes. Alors, s’attaquant au parenchyme des grandes feuilles, ils y font dans tous les sens des découpures irrégulières, bizarres même, qui rappellent un peu les anciennes écritures. Ce sont ces entailles allongées et étroites qui les ont fait appeler Écrivains.
Les découpures faites dans les feuilles par l’Écrivain sont ordinairement droites ; mais comme elles vont dans des directions diverses, il arrive souvent que, par leur réunion, elles forment des V, des A, des L, des I, des N, etc., lettres qui justifient bien le nom qu’on a donné depuis longtemps à cet insecte.
L’Écrivain à l’état parfait se laisse tomber à terre avec une grande facilité, si on le touche, ou si l’on se dirige vers lui. Alors il se contracte, rapproche ses pattes de son corps et contrefait le mort. À cause de sa petitesse et de sa couleur, il est difficile à trouver, parce qu’on le confond très aisément avec le sol, surtout lorsque la couche arable est brune ou calcaire rougeâtre, et aussi parce qu’il se cache très promptement en terre. – Le Gribouri disparaît vers la fin d’août ou au commencement de septembre. »
Juste avant la saison des prix… c’est tout de même étrange.

Éric Dussert

Sévir dans les vignes Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°129 , janvier 2012.
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