Le nouveau directeur du Théâtre du Peuple de Bussang (Vosges) a passé commande à Laurent Gaudé pour son spectacle de l’été 2012. Et le résultat est Caillasses, une vaste épopée dédiée au peuple palestinien, une tragédie antique, avec ses chœurs prenant parole pour raconter, commenter, protester et faire vivre au plus près cette histoire d’un pays et d’un peuple occupés. « Des années d’attente aux barrages./ Des années de contrôle, de fouille, de questions et d’ordres. » Le vieux Farouk vit là avec sa fille. Un matin, il entend puis voit revenir tous ceux qui ont quitté le pays, sa sœur Mériem en tête. Ils veulent rentrer, retrouver ceux qui sont restés. Ce sera « Le grand jour de fête/ Nos familles unies à nouveau… » Mais l’occupant s’y oppose, les rejette, et réprime durement les habitants venus les accueillir, humiliant le vieux Farouk en le mettant nu devant sa fille. Puis se saisit du prétexte pour démolir les maisons, Des pierres sont jetées contre eux, et de la première va naître l’enfant des gravats, dur et violent, symbole vivant de ce que produit la guerre. Et c’est tout l’art de Laurent Gaudé de nous faire basculer dans le fantastique, dans une poésie onirique où les morts racontent comment ils sont morts, où cet enfant se bat avec une langue qu’il ne maîtrise pas, comme un signe de son inhumanité. Mais Mériem lui confie la mémoire de la ville, son histoire, car « Tu vas te battre./ Et si tu te souviens de nous,/ si tu te souviens de tout,/ Il y aura de la joie,/ Le jour béni où,/ En notre nom,/ Caillasse,/ Tu vaincras. » Et l’espoir devient possible. Un beau texte.
P.G.B.
Caillasses
Laurent Gaudé
Actes Sud-Papiers, 112 pages, 15 €
Théâtre Caillasses
octobre 2012 | Le Matricule des Anges n°137
| par
Patrick Gay Bellile
Un livre
Le Matricule des Anges n°137
, octobre 2012.