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Poches Albert et les autres

janvier 2013 | Le Matricule des Anges n°139 | par Christophe Dabitch

Cent reportages de 1950 à nos jours, un journalisme « à la française » et des regards singuliers sur la marche du monde qui seraient tombés dans l’oubli sans cette édition.

Grands reporters, prix Albert Londres

Ils sont la belle image d’une profession qui de tout temps fut critiquée pour ses liens incestueux avec l’argent et le pouvoir politique. Ils sont « Grands reporters », étrange exception lexicale française laissant penser que les autres sont « petits ». Chaque année, l’un d’entre eux est désigné par un jury de pairs. Il devient alors « Albert Londres », du nom de ce journaliste écrivain qui commença sa carrière en 1914 par un très subjectif « Ils ont bombardé Reims et nous avons vu cela ! », dénonça entre autres injustices celles du bagne de Cayenne et définit ainsi le métier de reporter : « porter la plume dans la plaie ». Albert Londres montra une voie. Il incarna un modèle et une tradition française différente de l’anglo-saxonne (peut-être plus pointilleuse sur les « faits ») et une imagerie bien loin de la réalité d’une pratique.
Cette édition de poche ne reprend pas les textes primés depuis 1950 mais il a été demandé à ces reporters de présenter d’autres articles. Les décennies défilent ainsi : Vietnam, Afghanistan, ex-Yougoslavie, Afrique, Amérique… Des conflits bien sûr, majoritairement, lieux privilégiés de ce que l’on définit habituellement comme le grand reportage. On retrouve des plumes connues parce qu’ayant ensuite basculé dans le livre : Jean Rolin, Jean-Claude Guillebeaud, Pierre Veilletet… D’autres sont devenus comme Mark Kravetz ou Bernard Guetta des voix de radio. Certains continuent de pratiquer le terrain, Jean-Paul Mari, Anne Nivat et Annick Cojean (trop rares filles reporters de cette liste), Luc Le Vaillant, Sorj Chalandon… L’un d’entre eux, Patrick de Saint-Exupéry, a même créé sa revue, XXI.
Il y a bien de la littérature, une forme en tout cas, et du plaisir de lecture dans ces centaines de pages dont la vocation était d’être éphémères. Des regards sur des réalités, des tentatives de les dire au plus juste, des écritures faites de lectures et d’expérience. Les auteurs utilisent le « je », le « nous », le « il » apparemment impersonnel, selon les époques. Ainsi, dès 1950, Henri de Turenne décrivant les reporters : « Sales, pouilleux, vêtus d’un manteau de poussière, une cinquantaine d’individus hirsutes et barbus hantent les routes de Corée, l’appareil photo en bandoulière et le calepin à la main ». Patrick Meney rencontrant un franc-tireur libanais, sans doute auteur de centaines de meurtres : « Il s’est assis en face de moi. Ses yeux noirs n’exprimaient rien. Ni cruauté ni amour. Nulle émotion, ou plus exactement aucun sentiment. Le vide. » Jean-Claude Guillebeaud, auteur d’une superbe enquête, en 1974, sur l’émigration en France des Soninkés du Sénégal : « Étrangement complices d’un même conservatisme, les intérêts de notre économie (avoir des « esclaves » sous-qualifiés et sous-payés) et ceux du féodalisme soninké (maintenir intacts les comportements traditionnels) obligent l’émigrant à vivre son séjour en France en véritable somnambule ». De la même façon, les escapades de Jean Rolin laissent entrevoir ce qu’il y a encore de beau dans ce métier de reporter de presse écrite, la fragilité d’un homme dans l’événement, son nécessaire décalage alors que tout nous paraît écrasé par le média télévisuel instantané et une réalité devenue artefact.
Malgré tout l’intérêt de ce recueil, son point faible est sans doute que l’on y parle peu d’économie et de rapports sociaux. On peut même y voir une presse dominante qui s’autocongratule, entre quelques mêmes titres…
Ces reporters sont parfois vus comme des « emmerdeurs » par leurs directions comptables (quels journaux ont encore les moyens d’y consacrer aujourd’hui les budgets nécessaires ?). La plupart du temps, ce sont des « freelances » qui font ce travail. Un certain nombre en meurt. Ces Albert Londres ne sont pas des modèles, juste des voix individuelles qui sont encore aujourd’hui essentielles.

Christophe Dabitch

Grands reporters, Prix Albert Londres
10/18, 801 pages, 14,50

Albert et les autres Par Christophe Dabitch
Le Matricule des Anges n°139 , janvier 2013.
LMDA papier n°139
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