Et si du jour au lendemain, les animaux décidaient de se venger de notre cruauté ! Cela expliquerait les crimes de cette vallée quasi fermée de Klodzko, au fin fond des Sudètes. Les victimes ne gisent-elles pas au milieu d’empreintes ou recouvertes d’insectes ? « Je vous demande néanmoins de vous montrer cléments à l’égard des biches et autres animaux présumés coupables, car leur supposé crime n’était qu’une réaction au comportement cruel et insensible des victimes qui, d’après mes vérifications méticuleuses, étaient des chasseurs actifs. » Voila ce que prétend et dénonce à la police, Janina Doucheyko, une vieille folle, pour certains, une vraie enquiquineuse, pour beaucoup. Ces quelques amis voient en elle une retraitée serviable, paisible vouant un amour immodéré à la nature, la lecture des astres et l’œuvre de William Blake. Véritable huis clos autour d’une petite communauté villageoise, coupée du monde l’hiver, le roman tout en rebondissements et en tableaux hallucinés révèle les égoïsmes et la corruption des nouveaux dignitaires provinciaux polonais. Des mâles toujours des mâles ! Olga Tokarczuk, née en 1962, qui a reçu l’équivalent polonais du Goncourt pour Les Pérégrins (cf. Lmda N°117) affirme que : « La solidarité avec les animaux, le maillon le plus faible et le plus maltraité dans la chaîne du pouvoir, est un symbole de notre opposition au modèle patriarcal. » L’écriture subtile, pince-sans-rire, avec un léger soupçon de mélancolie alterne introspection tendre et coups de griffes acerbes. L’auteur rit sous cape, jubile. De l’autodérision ? Le portrait de l’héroïne à l’automne de sa vie, sa folie prétendue douce, ses désirs, ses révoltes saisit et émeut. Un polar hivernal à lire près de l’âtre.
Dominique Aussenac
Sur les ossements des morts
Olga TokaRczuk
Traduit du polonais par Margot Carlier
Noir sur blanc, 300 pages, 22 €
Domaine étranger Sur les ossements des morts
janvier 2013 | Le Matricule des Anges n°139
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Le Matricule des Anges n°139
, janvier 2013.