Après trente années de labeur, Antonio Pennacchi pose son bleu de travail et sa carte de syndicaliste. Il s’inscrit à l’université (il a 40 ans) et écrit. « Comme tous les ouvriers, j’aimais mon usine, ses ateliers, ses machines. Il m’arrive de rêver, la nuit, qu’on me redemande d’y travailler. Parfois cela me remplit d’anxiété, car il me faut surmonter une fois de plus la période d’essai. » L’humour chez cet indécrottable optimiste est affaire de gourmandise. Pétri de tendresse et pimenté de dérision, son Mammouth est un roman à « l’italienne » : il pétarade comme une « Fiat 127 jaune ». Anecdotes, bons mots, franches camaraderies et ferveurs révolutionnaires se relaient dans une course-poursuite du côté des années quatre-vingt en Italie. Benassa, personnage central et leader syndical, est un peu beaucoup et même passionnément… Antonio Pennacchi lui-même, l’ex-ouvrier devenu écrivain. Benassa-Pennacchi est une grande gueule, une forte tête et un superbe « casse-couilles » selon le patron : « Il ne s’est jamais contenté d’une victoire. C’est le triomphe qu’il a toujours visé. »
Récit romancé, tranche de vie distancée, ce court roman met en scène (et ce, sans discours !) la mondialisation et le libéralisme en marche. Aussi leurs pendants : syndicats en bisbille, luttes en déclin, classe ouvrière en voie d’extinction…
Mammouth est une confession toute en sensibilité. Celle d’un homme pris entre le marteau et l’enclume, la fidélité et la désertion. Rester à sa place, dans « sa classe », parmi les siens, les ouvriers de l’usine. Ou s’autoriser à partir, à s’inventer une autre vie. En faisant le choix de se frotter à la littérature, Antonio Pennacchi n’a trahi ni ses camarades ni ses convictions politiques. Les uns et les autres sont au cœur de ses ouvrages dont trois sont traduits en français*. Comme chez Erri De Luca, seule la loyauté guide son écriture. « Il faut qu’on crève debout ! » lit-on dans ce roman de la dignité.
Martine Laval
* Mon frère est fils unique (Le Dilettante, 2007) et Canal Mussolini (Liana Levi, 2012)
Mammouth
Antonio Pennacchi
Traduit de l’italien par Nathalie Bauer
Liana Levi, 196 pages, 18 €
Domaine étranger Mammouth
janvier 2013 | Le Matricule des Anges n°139
| par
Martine Laval
Un livre
Par
Martine Laval
Le Matricule des Anges n°139
, janvier 2013.