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Égarés, oubliés Lignes parfaites

janvier 2013 | Le Matricule des Anges n°139 | par Éric Dussert

Lecteur, Hector Talvart l’était. Aussi naturellement qu’il était bibliographe, et penseur amateur.

Qui se souvient d’Hector Talvart ? Les rats de bibliothèque, c’est entendu. Mais encore ? Pour mémoire, rappelons que cet homme, né le 12 septembre 1880 à Dompierre-sur-Mer (Charente inférieure), se trouva occuper un poste de bibliothécaire à Paris, comme tant d’autres. Cependant l’une de ses caractéristiques peut modifier la perspective, car à la différences de la plupart de ses contemporains, il prit tant à cœur son métier qu’il en fourbit ce que lui commandait son métier : de la bibliographie, cette science qui permet de fixer la date de publication du premier livre de Tartempion ou de retrouver la pagination exacte de l’édition originale du Prince de Machiavel…
Bibliographie, Hector Talvart l’était donc, et fièrement. En 1922, et de son propre chef, il commença par fonder une publication périodique intitulée La Fiche bibliographique française (certaines livraisons étaient toujours disponibles dans les années 1970), tandis que Joseph Place fondait de son côté, à Vichy, la Chronique des lettres françaises, une revue résolument vouée à l’actualité des publications littéraires. Ces deux-là étaient faits pour s’entendre : la mise en commun de leurs travaux les conduisit naturellement à la mise en œuvre de l’édition de l’inestimable Bibliographie des auteurs modernes de langue française à partir de 1928. Les malins savent de quoi il retourne (ils parlent du « Talvart & Place »). Trêve de circonlocutions : Hector Talvart, directeur de l’hebdomadaire L’Atlantique, collaborateur de Vrai et des Nouvelles littéraires, usant parfois du pseudonyme Jean Egreteau, fut aussi – et c’est ce qui va nous occuper – le rédacteur et seul maître à bord d’une délicieuse publication autonome et roborative intitulée Dits et contre-dits d’un homme d’aujourd’hui (1932-1934) où il s’exprimait en toute liberté.
De fait, c’est en disciple de Remy de Gourmont qu’il usait du calame. Ses Conjectures – premier ouvrage publié lui aussi en 1922 – furent pour certains une révélation. On salua l’enfant d’Aunis et de La Rochelle, élevé par des précepteurs à cause d’une santé chancelante. Après avoir adressé quelques vers à des publications comme la Revue Stéphanoise, il entreprit d’écrire pour les journaux rochelais auxquels il livrait de la chronique littéraire et même sociale tout en maintenant une activité de dessinateur, et de miniaturiste sur ivoire et… de lecteur. Pas de mystère, tout est là.

L’amour des idées.

Admis à l’âge de 18 ans dans l’administration des Postes, il travailla successivement à Paris, Angoulême et La Rochelle puis il démissionna pour se consacrer entièrement à la littérature, et, rapporte la chronique, à ses Conjectures « qui furent entièrement faites, composées, tirées, façonnées, brochées, etc., sous sa surveillance directe, avec le concours de typos et de pressiers aussi peu pressés que l’auteur et qui mirent dix mois à imprimer 200 pages, mais les livrèrent minutieusement au point ».
Admirateur des grands éditeurs d’art tel Édouard Pelletan, le penseur Talvart avait bien compris que « La typographie est à la pensée de l’écrivain ce qu’est la couleur à l’art du peintre, la glaise à celui du sculpteur, le piano à celui du musicien. Elle lui permet de matérialiser son expression dans une forme qu’il juge définitive. Elle arrête le perfectionnement du style au point où il faut qu’il consente à reconnaître ses excès, à céder devant la loi du réel. On ne se comprend vraiment bien qu’en se voyant imprimé… Quelques auteurs vont même jusqu’à une sorte d’engagement de conscience de ne pas gâcher la signification de la lettre imprimée. La majesté qu’elle confère au texte assure à la composition typographique une forme de respect, durable, et il paraît à quelques-uns qu’ils sont moins libres d’être médiocres ou malsains dans le livre que dans le manuscrit… »
De ses essais, on salua le souci des nuances, la « bonne foi absolue » et la subtilité. « Quel admirable amour des idées ! » s’exclamait la critique. Réflexions de moraliste sur la femme, la douleur et la joie, l’art, la justice et la bonté, l’égoïsme et l’ingratitude, on le compara à Gourmont, justement, à Anatole France, à Stendhal et à Taine. Plus tard, il poursuivit dans ses Dits et contredits… il y donnait des « Proses sans titre » qui ressemblaient à ceci :
« Le ridicule ne tue que ce qui n’a pas assez de force pour le défier. »
« L’inconvénient des gens qu’on dit “bien informés”, c’est qu’ils ne le sont, en général, que de choses insignifiantes. »
« Ce n’est pas tant de respect que certaines femmes ont besoin que d’un respectueux manque de respect. »
Lorsqu’il disparaît à La Rochelle en octobre 1959, Hector Talvart est alors président de l’Académie des belles-lettres, sciences et arts locale. Tout à ses travaux d’érudition, à ses pensées et à ses fiches bibliographiques, il n’aura jamais renoncé à la noble tradition de la bibliophilie qui pousse à publier au mieux ce que l’on publie et à se soucier de chaque livre comme s’ils étaient rares. Ainsi pouvait-il exprimer son credo : « Pour l’écrivain, la typographie est manière de juger mieux des proportions de sa pensée, d’en apprécier la séduisante couleur, d’en estimer l’importance de projection humaine. Vraiment, c’est un grand art classique et, avec l’architecture, un des premiers peut-être à qui l’homme est redevable d’accorder sur le plan réel le transitoire de sa vie avec la pérennité de sa raison, l’exigence de son cœur et le crédit de son intelligence, de faire conjoindre, à l’effet d’une harmonieuse édification, l’ambitieuse volonté de tout dire en n’exprimant que l’essentiel, l’ambitieuse volonté d‘une proportion de charme et d’utilité en ne se contraignant qu’au parfait… »

Éric Dussert

Lignes parfaites Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°139 , janvier 2013.
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