David Greig s’est inspiré d’un fait divers qui remonte à 1895. Lee Stagger, un jeune noir de 25 ans, abat d’un coup de revolver son copain lors d’une conversation de bistrot qui tourne mal à cause (entre autres) d’un chapeau envoyé par terre. Ce fait divers devient une chanson, puis 500 chansons (avec des versions de Nick Cave ou des Clash) et l’incarnation de la pulsion sauvage qui fait de nous de possibles meurtriers. Au fur et à mesure des chansons et de leurs interprètes, le fait divers va être modifié.
Avec David Greig, Lee Stagger devient Stag Lee, un mauvais garçon de 17 ans, qui, au début de la pièce tue son beau-père d’un coup de couteau car il ose toucher à sa casquette, cadeau de son père. L’auteur joint à Lee un double féminin, à l’opposé de ce dernier : Leila, une bonne élève, apparemment sans histoire mais qui refuse de parler et s’auto-mutile en secret. Elle rencontre Lee dans un supermarché et choisit de le suivre. C’est la rencontre improbable de ces deux-là qui nous est contée. Leur fuite après le meurtre. Et l’histoire d’amour qui va naître. Les deux ados se cachent dans la forêt, dans la demeure d’un garde-chasse. La pièce bascule alors dans le conte initiatique et tragique.
La forme trouvée par l’auteur pour raconter cette histoire est très efficace et épurée. Les scènes dialoguées alternent avec des prises de paroles d’un narrateur qui permet d’imaginer les pensées intérieures d’un personnage ou de prendre de la distance avec l’action. Nous sommes invités à faire le travail d’imagination de ce qui aurait pu s’échanger, se penser, être évité. Comme si le fait divers devenait plus vaste, chargé de toute son humanité et que nous pouvions pointer du doigt les endroits où l’histoire aurait pu se terminer autrement. À l’image de Leila, qui retrouve la parole avec Lee.
L. C
Lune jaune
La ballade de leila et lee
de David Greig
Traduit de l’anglais (Écosse) par Dominique Hollier
Théâtrales jeunesse, 96 pages, 8 &euro
Théâtre Lune jaune
mai 2013 | Le Matricule des Anges n°143
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°143
, mai 2013.