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Domaine étranger Vox populi

octobre 2013 | Le Matricule des Anges n°147 | par Dominique Aussenac

Avec ce deuxième roman socio-réaliste aux allures de drame antique, Lionel Salaün confirme son talent.

De quels retours nous parle Lionel Salaün ? Du retour du fils ? Certainement, mais pas prodigue, au sens où l’entend communément la Bible. De l’exhumation de l’enfance, de l’adolescence, du passé ? Aussi, mais pas totalement. Du retour de la souffrance, étymologiquement nostalgie ? Oui, mais pas uniquement. Son très beau premier ouvrage, Le Retour de Jim Lamar (Liana Levi, 2010), mâtiné de western et de contre-culture des seventies, évoquait l’irruption au sein d’une communauté rurale repliée sur elle-même d’un individu mystérieux. Il s’agira en fait d’un enfant du pays qui après avoir sillonné le monde, s’être ouvert à d’autres cultures, d’autres lois, rentre au bercail. Ses parents morts, la ferme pillée, il initiera à la liberté, à l’esprit d’aventure et de tolérance, un jeune adolescent.
« Les pelleteuses enfin débridées dépeçaient maintenant en éructant ce petit immeuble où j’étais presque né et avais passé les vingt premières années de ma vie… Tout un organisme patiemment élaboré, une structure intelligente et fonctionnelle se désagrégeait subitement, comme un cerveau en déliquescence. » Le Bel-Air, café restaurant au sein d’une cité ouvrière du sud de la France a eu ses heures de gloire. Il va comme toute la cité être détruit. Jackie, après de longues années de prison, vient y boire un dernier verre. En face de lui, Gérard, le fils des patrons, avec qui il a été élevé. Le Bel-Air constituait le fleuron du quartier, le lieu de socialisation, la caisse de résonance des rires et des larmes, du vrai et du faux.
Mais au-delà du pèlerinage, Jackie est venu résoudre une énigme. Qui l’a balancé, des décennies plus tôt ? Lui, le fils de polaks, élevé par sa mère. Lui qui avait failli échapper à son destin de fils d’ouvrier en s’amourachant d’une fille de la haute. Lui qui pensait que le braquage réalisé, il pourrait vivre pleinement son amour en Espagne et échapper ainsi à la guerre d’Algérie. Si les notions de classes sociales ou de luttes des classes peuvent paraître désuètes aujourd’hui depuis la disparition du bloc communiste, Lionel Salaün leur redonne du sens. Il évoque l’enfermement sur un territoire, une zone, au sein d’une communauté, d’individus programmés à revivre la vie de leurs parents. Si les souvenirs relatés semblent évoquer un semblant d’harmonie, ils n’apparaissent toutefois jamais idylliques, à l’instar de l’amitié liant Jackie et Gérard. On peut appartenir plus ou moins à la même classe sociale et ressentir différemment les événements, les idéologies. Ainsi entre la fin de la guerre d’Indochine et celle d’Algérie, Gérard voue une admiration sans bornes aux nationalistes revanchards et racistes. Alors que Jackie, lui, apparaît comme un insoumis lucide et introspectif. « Jusque-là, tout ce que j’avais accompli pour me soustraire à l’autorité des autres, profs, patrons ou bien encore ma mère, ces brèves ruades dictées par un souci de dérobade, sans revendication aucune, aussi vaines que peut-être la liberté qui ne tend vers rien, la somme de ces maints actes d’insoumission ne m’avait jamais inspiré, en vérité, qu’une profonde lassitude.  »
Lionel Salaün voue une grande tendresse à ses personnages et c’est avec beaucoup de finesse, de mots simples, de pudeur qu’il décrit cette amitié, ces vicissitudes, ces revirements. Leurs dialogues prennent parfois des allures de combat de boxe où un adversaire amène l’autre au plus profond de ses retranchements, de son intimité. Un autre personnage, Monsieur Louis, un client du bar attire l’attention. C’est une sorte de passeur inter-classe, inter-génération. Il présente un autre monde à Jackie, celui du jazz, de la nuit et devient une sorte de confident. Il intercède entre le monde des riches et celui des prolos, prenant ainsi des allures d’Orphée. Le roman baigne dans une mélancolie diaphane et grave, légèrement décalée, que la fuite du temps et la destruction du passé ne cessent de raviver.

Dominique Aussenac

Bel-Air de Lionel Salaün
Liana Levi, 223 pages, 17

Vox populi Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°147 , octobre 2013.
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