Charles Juliet, dans la clarté
Charles Juliet occupe une place à part dans le champ littéraire français. C’est ce que l’on se dit une fois encore en refermant le septième volume de son Journal, Apaisement. Lui vous répondra qu’il n’en a pas réellement, que ce n’est pas son affaire. On se souvient d’une réflexion lue dans Charles Juliet en son parcours, un livre d’entretiens avec Rodolphe Barry : « D’une certaine manière, je me suis toujours situé hors de la littérature. » On sait quel sens cette affirmation peut revêtir quand elle est ainsi énoncée par un homme tout entier voué à ce qu’il revendique comme une quête spirituelle. On devine aussi à quels malentendus elle peut donner lieu si elle n’entre pas en résonance avec une lecture attentive de ses livres. Pour Charles Juliet, écrire n’a jamais consisté à vouloir bâtir une œuvre, mais avant tout à mener à bien un questionnement vital dont les fins ne se sont dévoilées à lui qu’au fur et à mesure de sa progression. L’œuvre est là pourtant, abondante, déclinée dans plusieurs genres, et d’une grande cohérence : poèmes, journaux, récits, théâtre, entretiens, études sur l’art…
Une passionnante invitation à repenser notre relation au monde, notre vision de nous-mêmes, nos liens avec les autres.
Les lecteurs de Charles Juliet ont avec ses livres une relation difficilement exprimable. Quelque chose qui tient du compagnonnage et probablement aussi d’une part d’appropriation. À suivre le cheminement de ce solitaire dont le propos est largement voué à la restitution scrupuleuse de son « aventure intérieure », quelque chose en soi s’élargit et dans le même temps s’intensifie. Peut-être parce qu’il est revenu des abîmes que l’on n’a fait qu’imaginer ou à la rigueur entrevoir avant de s’en détourner, éprouve-t-on de la gratitude pour ce qu’il a accompli, d’une certaine façon en notre nom, celui de tous ceux que la vie a blessés. Et si on a un peu vécu, on sait qu’elle laisse rarement quiconque indemne.
On connaît l’homme pour l’avoir rencontré à quelques reprises, dont la première à une époque déjà lointaine. Et aussi pour l’avoir beaucoup lu un temps puis pour s’en être éloigné avant de revenir à ses livres comme à une évidence. On va de nouveau à sa rencontre parce qu’on est convaincu que l’œuvre de cet écrivain humble, discret et opiniâtre a beaucoup à dire à ceux qui n’ont pas encore approché ses textes ou les ont trop rapidement parcourus. Qui connaît ce livre bref, d’une grande sensualité et d’une profonde humanité qu’est Dans la lumière des saisons ? Loin d’être fermée sur les seules questions relatives à l’itinéraire d’un homme, depuis les limbes de la longue dépression jusqu’à une tardive sérénité, gagnée mot après mot sur les « ténèbres » des débuts, cette œuvre est une passionnante invitation à repenser notre relation au monde, notre vision de nous-mêmes, nos liens avec les autres. Si l’on sait l’engagement sans faille de l’écrivain dans « l’aventure de la quête de...