Il y a lui, Carl-Hadrien De Jonghe. Il est malade, couché sur un lit d’hôpital. Il ne parle plus, et attend la mort. Il y a elle, Sonia, son épouse. Elle attend aussi. Et en attendant, elle fait un puzzle dont il manque inévitablement des pièces. Elle a fait des puzzles toute sa vie, espérant la retraite ; pour vivre enfin une vie de couple, « passer du temps ensemble à vivre des banalités ». Et puis trois fantômes, sa mère, sa sœur et sa fille, viennent assister à ses derniers instants, viennent les aider à passer cette épreuve. Faut-il le débrancher quand tout le monde y compris les médecins le conseillent ? Ou bien faut-il tenir jusqu’au bout pour vivre les derniers instants ? Cela pourrait être triste, glauque, désespérant, eh bien cela ne l’est pas. Parce que Céline Delbecq a choisi de rester au plus près de la situation, sans céder à l’envie d’en faire un exemple de ce qu’il faut faire en fin de vie. C’est parfois très drôle, parfois touchant, parfois très cru. Le mourant en prend pour son grade, et les trois fantômes qui furent eux-mêmes débranchés ont sur la question des avis bien tranchés. Les trois actes aux noms prometteurs de « Aphasie », « Coma » et « Mort » déroulent un processus inéluctable, symbolisé par les étourneaux qui attendent leur heure pour emmener Carl-Hadrien. Il est évident que l’auteure a de l’empathie pour ses personnages. Elle s’amuse avec eux, nous régale de répliques vives, joyeuses, de situations quasiment burlesques, de dialogues d’autant plus percutants que lui, le mourant, a perdu l’usage de la parole et ne s’exprime plus que par signes. Réjouissant.
P.G.B.
Seuls avec l’hiver
Céline Delbecq
Lansman, 54 pages, 10 €
Théâtre Seuls avec l’hiver
mars 2014 | Le Matricule des Anges n°151
| par
Patrick Gay Bellile
Un livre
Le Matricule des Anges n°151
, mars 2014.