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Domaine français Le survivant

mars 2014 | Le Matricule des Anges n°151 | par Thierry Guichard

Avec une économie de moyens qui fait sa signature, Hubert Mingarelli dépose à nouveau son lecteur à la source des émotions : au chevet de l’enfance.

L' Homme qui avait soif

Certains écrivains, on le sait, ne cessent d’écrire toujours, peu ou prou, le même livre. Comme si la source intarissable appelait à elle les mêmes narrations, les mêmes images, les mêmes silences. Les romans peuvent d’ailleurs se rejoindre pour ne former au final qu’un seul corps ou ne jamais se recouper et le corps alors est dessiné peut-être par ce qui les a séparé, comme en creux.
C’est peu de dire qu’Hubert Mingarelli écrit toujours le même livre. Bien sûr, ses fictions sont toutes différentes : ni même personnage, ni mêmes décors. Mais c’est la même musique des mots (et du silence surtout) et de mêmes situations que l’écriture met au jour. L’Homme qui avait soif porte ainsi en lui les échos à peine déformés des livres qui l’ont précédé : des soldats qui se regroupent autour d’un poisson pêché par l’un d’eux (Quatre soldats), des hommes autour d’un feu (Un repas en hiver), un enfant convoyé sur une route difficile par un homme anxieux (La Beauté des loutres), deux bougies dont on voudrait retrouver la lumière en souvenir d’un défunt (La Source). Le lecteur de Mingarelli ne sera pas dépaysé quand bien même ce nouveau roman se déroule dans le Japon, immédiatement après la guerre. De cette persistance des thèmes et des images, naît forcément une forme de ritournelle, un chemin de fuite vers des paysages intérieurs où l’enfance est là, avec son incompressible besoin de tendresse. Mais celui qui découvrirait l’écrivain avec L’Homme qui avait soif plongerait tout aussi rapidement dans cette atmosphère délicate, ténue et fragile que la fiction protège comme les bras d’une mère. C’est là le résultat d’un talent si « talent » signifie la concordance entre un art et la sensibilité de celui qui l’exerce.
Nous sommes donc au Japon au sortir d’une guerre qui donne Nagasaki et Hiroshima. Hisao vient de quitter le train pour obéir à une soif terrible qui l’assaille depuis qu’il faillit mourir enterré dans une montagne. Il voyageait vers une fiancée promise et jamais vue quand la soif l’a expulsé hors du wagon. Rassasié il se retrouve seul, le train parti avec sa valise oubliée sous une banquette. Le roman ne va raconter que cela : comment Hisao va tenter de retrouver ses affaires et le cadeau qu’il apportait à sa promise, comment ses pensées vont le ramener vers la bataille de Peleliu où il perdit un ami – autant dire un frère – et gagna cette soif totalitaire. Il croisera d’anciens soldats échoués comme lui entre douleur et deuil, un oncle qui conduit son neveu vers un amour maternel impossible. Ce sont des moments d’une grande beauté puisqu’ici, comme dans les autres livres, le silence est ce qui s’échange de plus beau entre les hommes.
À Peleliu, l’armée dans laquelle il se trouve avec son ami Takeshi creuse des galeries innombrables dans la montagne, en attendant l’offensive ennemie. La poussière couvre le corps des hommes, la lumière du jour ne les atteint plus depuis longtemps. Il y a, dans cette image d’hommes jeunes creusant des tunnels dans l’obscurité totale quelque chose de l’écriture de Mingarelli. L’absence du monde extérieur conduit Takeshi à chanter des chansons dont il arrange les paroles pour qu’elles éloignent en partie leur peur commune. Les bombardements les cueilleront alors qu’ils sont dans une sorte de matrice creusée dans la montagne et où vont mourir tous les frères d’arme d’Hisao ; et Takeshi en dernier. Takeshi qui, comme Mingarelli, « inventait ses chansons avec des riens, des choses simples. » Mais ces riens-là, ces choses simples, peuvent bouleverser pour longtemps


T. G.

L’Homme qui avait soif
Hubert Mingarelli
Stock, 154 pages, 16

Le survivant Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°151 , mars 2014.