L’efficacité du pitch de Zoo : clinique est, dans tous les sens, redoutable. Carlo Ginsburg, ex-thésard sur les rituels de possession, est chargé, dans le cadre d’une enquête sur un centre de soins récemment inauguré, le « zoo : clinique », de recueillir les témoignages d’une nouvelle espèce terrestre, mi-humaine mi-animale : les Mutants. À la croisée de la science-fiction, de la fable philosophique et de l’enquête publique, ce troisième roman de Patrice Blouin tricote finement avec des motifs électrisants. Se croiseront en effet, pêle-mêle, des freaks et des détectives, des animonstres et des psychiatres, des victimes apeurées et des journalistes speedés. De quoi appâter n’importe quel assoiffé d’adrénaline… Car Zoo : clinique ne se contente pas, loin s’en faut, d’être un facile roman pop. Ce qu’il est aussi, c’est un ouvroir de réflexion sur ce que peut le modèle animal pour le développement humain. « Tout animal a un monde tandis qu’il y a des tas d’humains qui n’ont pas de monde et vivent la vie de tout le monde, de n’importe qui, n’importe quoi » énonce Deleuze à la lettre A(nimal) de son Abécédaire. Et c’est bien de cela qu’il s’agit dans ce Zoo : clinique, à savoir conquérir de nouveaux mondes, aussi métis que singuliers, où les femmes taciturnes poussent leurs particularités jusqu’à se transformer en « fem : hibou », et où les garçons nonchalants déplient leurs tendances à tout survoler jusqu’à se changer en papillonnants « hom : bellule ». Au-delà d’être un récit SF dynamitant ou des fables de La Fontaine hallucinées, c’est donc comme un véritable laboratoire de « nouvelles hybridations » et de « secondes éducations » que ce livre se présente. Zoo : clinique, ou l’application concrète de l’écriture comme un processus de déterritorialisation.
Blandine Rinkel
Zoo : clinique
Patrice Blouin
L’arbalète/Gallimard, 121 pages, 14,90 €
Domaine français Fabrique de territoires
mars 2014 | Le Matricule des Anges n°151
| par
Blandine Rinkel
Un livre
Fabrique de territoires
Par
Blandine Rinkel
Le Matricule des Anges n°151
, mars 2014.