Récit ou fiction ? Rien ne l’indique. On ne saura pas si cette histoire d’amour tragique porte témoignage d’un vécu. Qu’il soit pure séquence romanesque ou trace d’une séquelle personnelle, ce livre est tout en cas émotionnellement chargé. Il s’ajoute à la quinzaine d’écrits d’une auteure précieuse : Fabienne Swiatly, dont l’expression, saisissante et délicate, requiert notre plus exigeante attention. Son écriture, toujours très travaillée, très affective, donne à voir ici l’échec d’une expérience amoureuse. Elle tente de recoller les morceaux d’une passion happée par le vide. D’abord, ce sont deux êtres qui s’attirent. Rires partagés, regards complices, le désir, lentement, fait son œuvre, raccordant les cœurs, rapprochant les corps : « L’odeur de l’autre pour échapper à l’érosion du temps. Un bref moment de son existence on n’est plus seul ». Puis les vies ne battent plus au même rythme. Dissonances, divergences, entre les amants d’hier s’installe une distance. C’est d’elle que vient la décision de rompre. Pour lui commence le ballet des idées noires, « boueuses », ruminées jusqu’à commettre l’irréparable quand « il comprend que c’est fini ». Il se défenestre sous les yeux de celle qui le repousse. C’est alors que le titre du livre prend tout son sens. La fulgurance du geste de mort plongera la femme dans une sidération douloureuse. Une écriture intense et syncopée sert cette histoire d’« épuisement d’un amour ». Plus peut-être qu’un livre sur la séparation, c’est un livre sur l’effondrement intérieur, l’appel du gouffre. Un livre sur le vide que seul emplit désormais, pour celle qui reste, le ressassement d’un instant où, c’est le cas de le dire, tout bascule. Fabienne Swiatly signe une très émouvante plongée au cœur des êtres foudroyés de souffrance.
Anthony Dufraisse
La fulgurence du geste
Fabienne Swiatly
L’Amourier, 61 pages, 11 €
Domaine français
mai 2014 | Le Matricule des Anges n°153
| par
Anthony Dufraisse
Un livre
Le Matricule des Anges n°153
, mai 2014.