Étrange titre que cette Faux soyeuse, qui interpelle dès la couverture du livre, une métaphore qui en cache une autre, une mort qui a le charme et l’attrait de la soie, une faucheuse qui s’approche doucement de vous, sans qu’on s’en rende compte, mais qui est bien là pour vous emporter d’un coup sec à vous découper la tête ? Cette faux, c’est l’héroïne, qui tient lieu d’alpha et d’oméga pour Franck, un junkie au bout du rouleau, pourri jusqu’à l’os par la drogue. Il est au centre de ce roman noir qui se déroule entre le 12 et le 14 septembre 1999, à peine deux jours de sursis, avant la fin annoncée, probable dès le début, logique aussi au regard du parcours de son personnage. Et ce parcours, il nous est donné sur un double registre, à la fois sur un présent à la première personne et des flash-back qui viennent s’y greffer, sobrement intitulés « avant », remontant jusqu’aux années 70/80. Cette structure permet de redessiner toute une époque, depuis les barres d’immeubles de cité à Cachan, où Franck zone avec ses potes, trafique, traîne à droite et à gauche, s’emballe pour une fille, jusqu’à cette année 1999 où on le retrouve en véritable épave, accro à ses doses de dope, sa vie ne tenant plus qu’à un fil minable. Entre-temps, il y aura eu quelques petits braquages, de menus larcins, le passage à la seringue, l’arrivée du Sida aussi, les copains, presque tous morts depuis, les amours perdues, les amitiés trahies, le plaisir du shoot et les terribles crises de manque…
Bien sûr, cela rappelle d’autres fictions du genre, de Transpotting à Requiem for a dream, mais il en ressort un parfum rare, mélange d’honnêteté brute de décoffrage, d’une voix sans faux semblant à la Edward Bunker qui parle de ce qu’elle connaît, et d’empathie pour tout un univers enfui et ses victimes, sans sombrer dans le misérabilisme, sans jamais non plus pointer un facteur aggravant plus qu’un autre. Juste l’enfer de la drogue, pathétique, tragique. Un premier roman noir français qui vaut le détour.
Lionel Destremau
La Faux soyeuse
Éric Maravélias
Gallimard, « Série Noire », 254 pages, 16,50 €
Domaine français Aller simple
mai 2014 | Le Matricule des Anges n°153
| par
Lionel Destremau
Un livre
Aller simple
Par
Lionel Destremau
Le Matricule des Anges n°153
, mai 2014.