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Domaine français Ode à pey père

mai 2014 | Le Matricule des Anges n°153 | par Dominique Aussenac

Redescendu en enfance, l’anartiste chante en prose ses dieux Lares. Mythologique et burlesque.

La Boîte aux lettres du cimetière

Lecteur de bâtons de châtaignier, chaman-écraseur de tomates, performer-installateur de câbles autour d’un poulet à griller, Serge Pey reste à jamais un poète d’action. Lui qui professe la poésie contemporaine à l’université du Mirail, publie d’innombrables recueils, voyage, relie les mystères, les cultures, tend désormais une autre corde à son arc, le récit autobiographique.
Après Le Trésor de la guerre d’Espagne (Zulma, 2011), un panthéon de papier en seize textes en hommage à ses aïeux, ardents défenseurs de la République espagnole, La Boîte aux lettres du cimetière cadre au plus près les lieux, les territoires de l’enfance, les figures tutélaires familiales dans leur ville de résurrection. Toulouse, l’hispanique ville rose aux flammes rouges et noires.
Le premier de ces trente-trois textes reprend un des mythes fondateur de ce fils de réfugiés politiques catalans, déjà traité sous forme de poème, la transmutation de la porte en table. Ou comment alors que cinq personnes étaient attendues pour dîner, douze se présentèrent. Son père eut alors l’idée de dégonder la porte d’entrée pour en faire le support du repas. Les changements de fonction, les modifications sémantiques, les inversions, les retournements, les variations étymologiques sont la base même du travail de Pey. Ce qui induit un rapport magique aux êtres et aux choses. « Tout ne peut s’inverser. Nous n’avions enlevé la porte qu’une seule fois, mais ce fut comme si on avait procédé de la sorte à chacun de nos repas de fête. Notre table était devenue définitivement le souvenir de la porte. Les naissances ne se répètent pas. Les tables n’existent pas. Il n’y a que des portes qui s’ouvrent sur le monde ou qui le ferment. » Insoumise, anarchiste, créative, didactique, la figure paternelle transcende l’ouvrage. Dans le texte éponyme, on la voit organiser une école dans une ancienne porcherie. Dénonçant la non-existence du Père Noël et du bon dieu, elle explique aux enfants qu’ils sont en même temps les deux et leur demande d’écrire une lettre à un mort dont l’adresse est la suivante : « Antonio Machado, poète, cimetière de Collioure, Pyrénées Orientales. » Il a lui-même confectionné la boîte. « Une boîte aux lettres sur une tombe, sauve, selon mon père, l’histoire des hommes qui y sont enterrés. En redonnant de la dignité au cimetière elle établit un dialogue réel avec la mort. »
La mère semble plus effacée, plus fragile, mais tout aussi résistante. D’abord, face à la bêtise, l’inhumanité d’un orphelinat catholique. Petite fille, elle pisse au lit toutes les nuits. Le matin, les religieuses l’exposent, le drap honteux sur la tête dans la cour de l’institution. Jusqu’au jour où nouant des draps, elle tente de s’évader. Bien avant Albertine Sarrazin, elle se brise la cheville et boitera toute sa vie.
Les écrits de Pey se jouent des antagonismes, se plaisent à opposer des situations, des formules et génèrent une dimension vivante, métabolique de la pensée, une dialectique par le feu. Lui qui chie en dieu désacralise pour mieux sacraliser, revenir à une dimension païenne originelle. Il peint ainsi sa mère en icône noiraude, en Vierge Noire de la Daurade, ibère, sarrazine, cathare… « Le drap, jaune et mouillé, entoure sa tête. Son voile pend. Maman ressemble à la statue de la Vierge. Maman tremble sous sa chemise. Maman est brune, ses cheveux bouclés tombent sur ses yeux. Maman est la sainte de la pisse. Maman a honte. » Dans « La pomme et les épingles », il représente sa couturière de mère, en déesse à la langue arrachée : « Maman nous faisait jeter des épingles dans les fontaines pour appeler l’amour. Maman ne parlait pas, elle avait des épingles plein la bouche. »
D’autres portraits suivent, émeuvent, enchantent, transforment les larmes en rires, le trivial en universel, la tragédie en chant de foi et d’espérance. « On appelle ma tante Hirondelle, parce qu’elle est borgne. / Quelqu’un qui n’est pas du coin ne peut comprendre cela. Une hirondelle vertigineuse lui avait crevé un œil, un soir d’orage… C’est pour cela qu’elle avait le don de double vue. » Son oncle, lui, est surnommé Chien. Échappé d’un camp de concentration pour enfants, il avait été obligé par des soldats à tuer l’animal qu’il avait élevé. « God-dog faisait la pluie sur la tôle de sa cabane. God-dog. Comme un dieu à l’envers. » Dans le dernier texte, « L’enterrement de la porte », Serge Pey, après la mort de son père, revient à la maison familiale en ruine. La porte, oubliée dans les ronces, avait été fusillée par le temps et les hommes. « Inventer une porte puis en faire une table, c’est refaire le monde »

Dominique Aussenac

La Boîte aux lettres du cimetière
Serge Pey
Zulma, 208 pages, 17

Ode à pey père Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°153 , mai 2014.
LMDA PDF n°153
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