Si on arrive à survivre, nous, c’est que personne croit à notre existence. » Ou encore : « Dieu n’est pas au courant. » Verdict : dans un monde ingrat et violent, chacun fait ce qu’il peut avec sa destinée, chacun fait ce qu’il peut avec ce qu’il a – surtout son passé. Avec La Mauvaise Pente, deuxième roman traduit après Les Affligés (2012, titre ô combien expressif !), l’Australien Chris Womersley dévale à toute allure dans les abîmes terriblement sombres du comportement humain. En piste, deux hommes, que tout oppose : Wild, médecin, rayé de l’ordre après une erreur médicale, son unique recours, des seringues de morphine chargées d’oubli ; Lee, un gamin de 20 ans, orphelin, culpabilisé par la mort de ses parents, petite frappe marquée à jamais par un séjour en prison. Le hasard – mais il n’y a pas de hasard, que des coïncidences – les réunit, pour le meilleur et surtout pour le pire. Pris dans un engrenage, dans une fuite éperdue, ils vont s’épauler, se rudoyer, s’attendrir, se révéler. Wild et Lee, blessés tous deux à mort dans l’âme, se démènent pour survivre. La poisse leur colle au cœur : ils savent qu’ils ne sont que des fantômes dans un monde qui les ignore. Chacun cherche sa rédemption quitte à s’y perdre. Le salut est au bout de l’horreur. Dédié « à ma mère, mon frère et ma sœur, qui savent quels sont les chemins que j’ai empruntés », ce roman interroge la filiation, les liens familiaux, la solidarité, l’immense solitude des gens à bout de souffle, l’impossible pardon. Entre lyrisme et existentialisme, servi par une écriture captivante, tout en pleins et déliés, La Mauvaise Pente raconte une histoire des temps anciens, aux accents bibliques : Qui suis-je en ce monde ? Et… qui puis-je ?
Martine Laval
La mauvaise pente,
de Chris Womersley
Traduit de l’anglais (Australie) par Valéry Malfoy
Albin Michel, 352 pages, 20 €
Domaine étranger La Mauvaise pente
juillet 2014 | Le Matricule des Anges n°155
| par
Martine Laval
Un livre
Par
Martine Laval
Le Matricule des Anges n°155
, juillet 2014.