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Domaine français Sauvage et intense

avril 2015 | Le Matricule des Anges n°162 | par Richard Blin

L’une débute, l’autre est un auteur confirmé, mais leurs nouvelles donnent voix à ces lointains intérieurs qui décident de nos raisons de vivre.

L' Ambassadeur triste

Si l’art de la nouvelle pardonne peu – la moindre longueur, une invraisemblance, et tout s’écroule – il permet de par la concision qu’il impose d’atteindre rapidement à une forme d’intensité qui donne éclat et résonance à un fait, un geste, une situation qui prend alors une sorte de valeur exemplaire. De plus, chaque nouvelle réclamant un nouveau départ, leur réunion en un livre – la façon dont, dans leur diversité même, elles se complètent – crée un rythme, mobilise les sens, entraîne le lecteur.
Les onze nouvelles que regroupe L’Ambassadeur triste nous emmènent en Inde, pour huit d’entre elles, en France, en Arctique et sur l’Île Maurice – d’où est originaire Ananda Devi – pour les trois autres. Mais c’est surtout en pleine chair du sentir et dans les régions sans défense de l’âme qu’elles nous plongent. Comme toujours chez Ananda Devi, tout passe par le regard et l’appréhension physique des choses. Dans une Inde aux contrastes extrêmes – « paradis, enfer, rien entre les deux » – et où la croyance veut que tout renaisse, jouer les exploratrices en affrontant ses peurs et en se transformant en amazone, risque vite de tourner au cauchemar. Être invité à un festival littéraire, quand on est un écrivain noir, peut vous transformer en une « bête de foire » dont l’intérêt n’a plus rien à voir avec la littérature. Être né « dans le giron de la bonne fortune et dans la paume de la chance » ne protège pas plus de la solitude ou de la mort qu’être né dans un endroit pollué au dernier degré. L’Inde, ses sortilèges, ses dieux à la force d’attraction souveraine, est comme la métaphore de la découverte de cette part d’inconnu que chacun porte en soi. Une révélation qu’Ananda Devi distille au fil d’une écriture procédant par spirales se resserrant de plus en plus jusqu’à l’étranglement du spasme final si caractéristique de la fin d’une nouvelle réussie.
Avec Laure Anders, le souillé, le sauvage, le désir imposent leur réalité brute, sournoise, viscérale. C’est la matière noire du vécu qu’elle noue en figures, le tréfonds opaque de soi qu’elle laisse affleurer au fil des dix-neuf nouvelles qu’elle a réunies dans Animale. Un recueil où la primitivité – ce qui, obscur et oublié, n’en continue pas moins à influer sur les forces fondamentales de ce qui nous meut – ne cesse de se manifester avec une vérité crue et nue. Une animalité à l’œuvre chez les hommes comme chez les femmes. Qu’elles soient caissière, lutteuse se livrant à des combats clandestins, jeune diplômée ayant choisi de faire le ménage chez les autres – « les intérieurs dans lesquels je pénètre sont des corps que j’investis… » – ou qu’elle souffre comme une bête, rongée par l’angoisse – « J’ai besoin de visages, j’ai besoin d’odeurs et de mains chaudes, toujours plus, pour peupler ma solitude » – chacune sait que si le chasseur a besoin de la proie, l’inverse est tout aussi vrai.
Quant aux hommes, ils sont, ou ont été en butte à l’être-chien. De l’enfant qui, puni, était attaché à la place du chien, à ceux qui, sollicitant la bête en eux, ont besoin d’une « domina », tous ont connu la violence du réel qui déchire, emporte, confronte à l’inavouable et renvoie aux impitoyables divisions entre chasseur et chassé, homme et animal, dominant et dominé, libre et esclave. Des histoires d’excès, des histoires charnelles, que relient entre elles des jeux d’échos internes et des correspondances avec la mémoire familiale de l’auteur. Dans la dernière nouvelle, titrée « Laure sans nom », on voit l’héroïne se rebiffer afin que personne, « plus jamais ne puisse l’enfermer entre les mâchoires d’un piège ». Une révolte qui fait penser à une autre Laure, celle dont la passion déchirante pour Georges Bataille ne l’empêcha jamais de confondre les mots et le vécu.

Richard Blin

L’Ambassadeur triste
Ananda Devi
Gallimard, 194 pages, 17,50

Animale
Laure Anders
Buchet-Chastel, 208 pages, 16

Sauvage et intense Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°162 , avril 2015.
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