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Histoire littéraire La vie comme texte

juin 2015 | Le Matricule des Anges n°164 | par Blandine Rinkel

Évitant l’écueil psychologique, Tiphaine Samoyault apporte une nouvelle cohérence à l’œuvre de Roland Barthes.

Dresser la biographie d’un écrivain-démiurge tel que Barthes (dont on fête cette année le centenaire) est une opération délicate. Le geste doit-il être littéraire ou ne s’agit-t-il que d’éclairer les textes d’un autre, d’une poigne herméneutique ? La vie et le texte étant intimement intriqués, combien faut-il déplier et l’une et l’autre pour les expliquer mutuellement ? Cette mission impossible confiée au biographe, Tiphaine Samoyault l’accomplit d’une ambitieuse (720 pages) main de maîtresse. Ne se perdant pas dans les méandres psychologiques du penseur, ni ne stagnant à la pure surface factuelle du lettré, mais faisant s’intriquer et le sens et les gestes.
L’histoire de Barthes débutera ainsi par sa fin, c’est-à-dire par le heurt du penseur et d’une camionnette rue des Écoles, et par le décès qui suivit. Qui vint après, donc, mais qui n’en découla pas directement, contrairement à l’idée diffusée par la doxa — que Samoyault cherchera, au long de son ouvrage, à rectifier. Si Barthes mourut des suites de son accident, ce ne fut toutefois qu’un mois plus tard, et de complications pulmonaires, souvenirs de sa tuberculose de jeunesse, cette maladie restée confidentielle quand elle aura pourtant hanté l’auteur des Mythologies toute sa vie. Et la biographie de Tiphaine Samoyault, après son prologue mortuaire, de précisément déplier les enjeux des années passées au sanatorium, de cette période étonnamment décisive, puisque représentant sa première désertion du monde (le report de son baccalauréat, l’abandon de ses projets de grandes études supérieures), sa première expérience de la communauté (celle-là même qu’il interrogera tant par la suite, notamment dans Comment vivre ensemble) et, surtout, sa découverte de la vulnérabilité des corps vivants.
Une conscience de la vulnérabilité qui ne le quittera jamais, mais plutôt l’enjoindra à penser comment la faiblesse infuse dans nos vies régies par l’impératif de rentabilité et à enquêter sur les différents visages que revêt la précarité de nos humeurs. Il y aura des investigations sur la migraine (Michelet par lui-même), certaines sur les états de fatigue ou d’euphorie que traversent nos corps quotidiennement (Comment vivre ensemble, La Préparation du roman), d’autres sur la possibilité d’atteindre un « état neutre » dépourvu de prétention et d’arrogance (Le Neutre) mais aussi des enquêtes sur la fragilité engendrée par l’amour contrarié (Fragments d’un discours amoureux) ou par la mort d’un proche (Journal de deuil, La Chambre claire).
Or si les adeptes de Barthes (auxquels s’adresse cette biographie) connaissaient déjà ces recherches fortement vulnérables, ce déploiement d’une « nuance barthésienne » où s’affrontent en permanence les contradictions du penseur, où « la littérature ne peut s’écrire qu’en se détruisant », et où l’on trouve la constante « volonté d’infléchir l’arrogance de l’assertif », peut-être ces lecteurs maîtrisaient-ils moins les provenances et les aboutissements existentiels de ces écrits. Quels paysages, humains ou professionnels, voyait Barthes quand il écrivait ou lisait « en levant la tête » ? Pourquoi la rencontre ratée entre Lévi-Strauss et Barthes s’avérera-t-elle déterminante pour la trajectoire de ce dernier ? En quoi la santé précaire de Barthes explique en partie sa désertion durant les évènements de Mai 68 ? Pourquoi sa relation avec Foucault renforcera sa résistance au « dispositif mondain » du Collège de France ? Comment lui vint, au retour d’un voyage au Maroc, l’ultime projet monstre de son existence, cette « Vita Nova » qui n’aura jamais lieu ? Autant de questions que les 18 chapitres qui composent cet ouvrage, intercalés par des archives, permettront en partie d’élucider.
Le récit de la vie de Barthes par Tiphaine Samoyault apporte – d’une écriture sensible et nuancée, fidèle aux qualités du faiseur de fragments – une nouvelle cohérence à son œuvre et, par là, un réel ravissement de lecture. Le plaisir du texte étant aussi celui du reste.

Blandine Rinkel

Roland Barthes
Tiphaine Samoyault
Seuil, 720 pages, 28

La vie comme texte Par Blandine Rinkel
Le Matricule des Anges n°164 , juin 2015.
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