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Domaine étranger Notes finales

octobre 2015 | Le Matricule des Anges n°167 | par Thierry Guinhut

Avec Orfeo, Richard Powers retrace le riche portrait d’un compositeur confronté aux excès du Patriot Act.

Plus encore que dans Le Temps où nous chantions, qui fut l’un des premiers succès de Richard Powers, la musique est portée à son incandescence dans cet Orfeo, à travers la destinée d’un vieux compositeur solitaire. On se doute cependant que l’écrivain américain ne va pas se limiter à un portrait statique, à une activité de biographe et de musicographe, mais que, tenté par le thriller, il fera de notre artiste et héros une incarnation des valeurs américaines devant la tyrannie bien affûtée du gouvernement fédéral.
La biographie de Peter Els se déploie en alternance avec le drame qui bouleverse sa jeune vieillesse. Ainsi la fugue de ses amours se déploie, entre la violoncelliste Clara qui le fuit bientôt et qui « détestait le monde réel », la soprano Maddy qui interprète ses « chants borgésiens », avec qui il a une fille, Sara. Mais la fidélité à sa musique peu jouée l’éloigne de ses dernières. Ainsi le roman devient un vivant documentaire sur les évolutions musicales du XXe siècle, de Mahler à John Cage et Steve Reich, en passant par Messiaen, dont les Kindertotenlieder, le Musicircus et le Quatuor pour la fin du temps sont analysés en de splendides ekphrasis. Au passage, est discrètement dénoncé le terrorisme intellectuel qui prend en tenailles Peter, entre les tenants d’une surmodernité « anti-beauté » et les traditionalistes. Ses compositions, guère fêtées, cherchent leurs voies propres, démarche qui est rarement l’objet des considérations publiques et officielles.
Mais Peter Els a deux passions. Outre celle de l’écoute des chefs-d’œuvre du passé et de l’écriture musicale, il développe une compétence réellement professionnelle pour la chimie. D’ailleurs, pour lui, cet art et cette science ont bien des choses en commun, ne seraient-ce que leurs harmonies : « la génomique apprenait à déchiffrer des partitions d’une beauté indescriptible  ». C’est au croisement de ces deux intensités de vie, qu’à 70 ans, alors qu’il « essayait d’introduire des fichiers musicaux dans des cellules », il va vivre à ses dépens une aventure américaine.
Il serait alors injuste de s’irriter du penchant de Powers pour le roman à thèse. Il s’agit ici de dénoncer le « Patriot Act », et ce dont est menacé Peter Els : « détention jusqu’à disculpation  ». Car cultiver des bactéries peut-être dangereuses et des brins d’ADN en son laboratoire privé, consulter le web sur l’anthrax suffisent à faire de lui un suspect de menées terroristes surmédiatisé : « La renommée avait évité Peter toute sa vie. À présent, il lui suffisait de rejoindre son domicile et d’agiter les bras pour devenir le plus célèbre compositeur américain vivant  ». Pire, sa musique devient une pièce à conviction… Héros malgré lui, il choisit la fuite. Toute sa vie défile en sa mémoire, jusqu’à son opéra historique L’Oiseleur, commandé par son ami, imprésario et metteur en scène Richard Bonner, en résonance avec le siège des religieux de Waco par le FBI, en 1993.
Peter, dont « la musique avait été pulvérisée dans l’essoreuse des ans » est un créateur en retrait, mais aussi inventif qu’humain. Ce « Bach du bioterrorisme » est le moteur d’un roman d’une belle richesse, complexe sans être réellement difficile ; peut-être son plus beau livre depuis La Chambre aux échos et Générosité, qui étaient également basés sur des hypothèses scientifiques…
La liberté, le droit au bonheur et à la création sont bien au cœur des tribulations du personnage et de la vocation de l’écrivain Richard Powers, attaché (à tort ?) à défendre la singularité des musiques savantes et expérimentales. Il est le garant de la dignité de l’artiste, fût-il un semi-raté, néanmoins un réel Orphée : « Par quelle ruse la musique laissait-elle croire au corps qu’il possédait une âme ? »
Thierry Guinhut

Orfeo de Richard Powers
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Yves Pellegrin, Cherche-Midi, « Lot 49 », 448 p., 22

Notes finales Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°167 , octobre 2015.
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