S’il n’y avait pas d’herbe, si la poésie n’existait plus…
Du caractère fragile des choses, êtres, plantes, herbes ou autres graminées, Nicole Drano Stamberg a toujours éprouvé une grande fascination, qu’elle décline dans ce vingtième recueil de poèmes. Lilas blanc, violettes, pissenlits, mousses, agaves, millets, lys, fuchsias renvoient à des souvenirs, des prégnances, des absences… D’abord, un rapport au déracinement-enracinement vécu dans son enfance, à cette Mutti, mère autrichienne qui l’a mise au monde dans les années de guerre. « D’un sol à l’autre / La racine s’acharne / En profondeur, / Se hisse enfin une hampe. Une lampe. » Les mots, les vers libres s’invaginent, introduisent un monde onirique, presque une fantasmagorie. Le calice du datura se transforme en mazagran de porcelaine. Le gel fige la rose. Un parc labyrinthique s’offre à nous. La Stamberga, belle plante, virevolte. Sa façon à elle de nous accueillir. Elle métamorphose la douleur, l’horreur en espérance, évoque Henri Alleg et sa Question, l’hermaphrodite et le transexuel, Novalis et Ghérasim Luca. Nous conduit du Lodévois, terroir natal, au désert burkinabé, en passant par des forêts noires, des chemins de traverse, des jardins près de la mer. Les plantes émerveillent autant que leur terminologie savante. « Fuchsié. Onagrariées. Famille des Oenothéracées (plante qui a l’odeur du vin), Fuchsia de Fuchs. » La langue feule, vagit, s’haïkuse, s’onomatope : « AXZu Yhaaeif ffffruit…. » Nicole Drano Stamberg, employée de la poésie à temps plein, réinvente en herborisant, une autre présence au monde. « Herbe jamais désinvolte / Tu viens sur mes mots, / Me fais retrouver le chemin de halage / Où naissent les songes qui chambardent le visible. »
Dominique Aussenac
S’IL N’Y AVAIT PAS D’HERBE, SI LA POESIE N’EXISTAIT PLUS…
DE NICOLE DRANO STAMBERG
La Rumeur libre, 140 pages, 15 e