Les identités mouvantes de Mathieu Larnaudie
Les bons livres ont parfois une durée de vie plus longue que celle que leur accorde la mécanique bien huilée de la chaîne commerciale qui appose une date de péremption fatale aux nouveautés. Repérés d’abord par les professionnels (libraires et bibliothécaires), on les retrouve sur des étals de librairies hors les murs dans les salons d’automne ou de printemps qui rythment la vie littéraire hexagonale. Ainsi du septième ouvrage de Mathieu Larnaudie, Notre désir est sans remède qui a valu à son auteur d’être l’un des invités du Printemps du Livre de Grenoble au sortir de mars. L’occasion pour nous de rencontrer cet auteur et éditeur qui place la littérature au cœur même de son entreprise d’apprentissage permanent du monde.
Mathieu Larnaudie affiche une forme d’élégance qui semble un cocktail équilibré de modestie, de savoir-vivre et de retenue. Ses yeux clairs renforcent la franchise du sourire. Il se prête à l’entretien sans retenue quand bien même ce jeu-là se déroule après deux débats, dans une chambre d’hôtel que le sommeil a déserté et alors que la nuit depuis un moment a effacé la masse noire des montagnes.
Notre hôte prévient : sa biographie est sans beaucoup d’aspérités. Mettons. S’il naît à Blois en 1977, il n’y a jamais vécu. Ses parents habitent dans la ZUP d’Orléans, Blois est la ville des grands-parents maternels. De ce côté de la famille, on vient de la région parisienne où l’on était ouvriers. La grand-mère est « une môme de Paris ». Piaf est son étoile. Le grand-père, d’origine italo-néerlandaise, est entreprenant, se fait entrepreneur et porte vers le succès son entreprise de sidérurgie : « il a plutôt bien gagné sa vie, sans entrer pour autant dans la bourgeoisie. »
« De Sarlat à New York, j’ai fait un sacré saut. J’avais envie de voir le monde après en avoir été privé durant trois ans ».
Du côté paternel on est cheminots entre Brive et Sarlat. D’aucun côté, on n’est des lecteurs. Son père a fait des études de sciences économiques et travaille dans la grande distribution, pour une chaîne nationale très connue dont aujourd’hui encore il dirige un magasin… C’est une famille très représentative des Trente Glorieuses. « On retrouve ça dans certains livres de Bergounioux : une ascension sociale assez campagnarde, mais qui donne une certaine idée de la France et du progrès qui se pérennise de génération en génération, jusqu’à la nôtre où un coup d’arrêt est donné. »
Aussitôt après sa naissance, la famille part vivre dans le Nord, près de Cambrai. Un frère naîtra trois ans après Mathieu. Puis nouveaux déménagements pour la banlieue bordelaise, à Saint-Médard-en-Jalles, Périgueux et enfin à Souillac, au sud de Brive. « Je lisais un peu gamin, mais j’ai arrêté quand je suis entré au collège, à Périgueux, où je n’étais pas très heureux. Périgueux n’est pas une ville que j’aime beaucoup. » Et quand la famille se retrouve à Souillac, comme il n’y avait pas de lycée dans la commune, il est mis...