Vacarme N°75 (Courage, circulez !)

En ces temps de luttes diversifiées, qui peinent à se rassembler et qu’un gouvernement sourd et aveugle s’obstine à ne pas prendre en compte, les collaborateurs de Vacarme tentent d’y voir un peu plus clair. Sous un titre-slogan « Courage », ils proposent des sortes de mots d’ordre, roboratifs : « Rêver en grand, se réunir, redevenir libre, ne plus céder ». Souffle alors, sur nombre de ces pages, le vent salubre de l’utopie, sans que la précision de l’analyse, cependant, fasse défaut. L’ouverture, philosophique, de Pierre Zaoui lance ainsi le débat : « Avoir vraiment du courage, c’est avoir seulement des idées simples et n’être que ces idées. Affirmer de façon butée d’être ceci plutôt que cela. » Qu’il s’agisse du héros, résistant modeste et déterminé, d’Un condamné à mort s’est échappé de Bresson ou de ces femmes féministes et /ou kurdes qu’un cahier de photographies nous montre manifestant en Turquie, ce qui les meut c’est bien la volonté, dit encore Pierre Zaoui, « d’incarner l’idée qu’on a toujours eue, fût-elle la plus naïve du monde (du genre « se soumettre, acquiescer à l’ordre inique des choses, c’est moche ») ». Ce droit et même ce devoir d’insoumission animent aussi bien le Conseil d’urgence citoyenne, créé en janvier 2016 contre les possibles dérives de l’état d’urgence (nous découvrons ici ses animateurs et leurs objectifs) que les révolutionnaires que dépeint l’historienne Sophie Wahnich. Grâce à des analogies révélatrices, elle explique comment, en Tunisie et en Égypte lors du Printemps arabe comme à Paris à partir de l’été 1789, il s’est agi « de prendre le risque de faire jouer la légitimité contre la légalité ». Faire la révolution c’est devoir innover, en tenant compte du passé mais en inventant un futur, en un moment-clé qui apparaît comme un « précipité » (Derrida) : « la rencontre de l’inéluctable et de la décision, de la nécessité et de la responsabilité ».
T. C.
Vacarme N°75, 142 pages, 12 €