Les mots en images. Maintenant les images en mots. Vocation tardive ? Né en 1963, Alain Poncet est designer graphique. Le désir d’édition « devait me trotter dans la tête ». Il cite deux lectures importantes : le Traité pratique d’édition de Philippe Schuwer, et Livre et typographie de Jan Tschichold, « une référence absolue dans ce domaine ». Alain Poncet se souvient également que jeune étudiant aux Beaux-Arts, il invente de toutes pièces, lors d’un mini-diplôme, une maison d’édition, La Fée électrocutée. « Cette pseudo-maison était consacrée à la SF française et européenne des années 30 et à l’utopie. On y retrouvait dans un catalogue fictif aussi bien Maurice Renard avec Le Péril bleu, que Rosny Aîné ».Lancée en 2012, l’aventure de La clé à molette débute avec Objets dérivés, un catalogue monographique sur le travail du plasticien Raphaël Galley. « Mais je savais que j’allais aussi créer une collection de littérature. C’était mon objectif principal. » Auparavant, Alain Poncet avait rejoint l’Association des amis d’André Dhôtel. Des portes s’ouvrent : il réédite alors Un soir… et La Route inconnue.
Alain Poncet, votre catalogue naissant s’articule autour de deux pôles : la littérature française et l’art contemporain. Ce double versant est peu fréquenté par les jeunes éditeurs aujourd’hui. Quelle complémentarité y voyez-vous ?
J’y vois une complémentarité problématique : elle pose immédiatement la question de la cohérence et du marketing. Ça n’est pas très raisonnable de mener les deux de front pour une petite structure comme La clé à molette. D’autant plus qu’en art contemporain le in et le off sont très marqués, si vous n’êtes pas une institution, vous êtes dans le off, vous n’existez pas. En revanche on peut se faire plaisir, mettre en avant des démarches ténues, et beaucoup le font. J’ai tendance à croire qu’on peut être artiste sans œuvre, ou être artiste en pointillé. L’institution, elle, a besoin d’artistes professionnels, c’est d’ailleurs le dernier et seul critère qui permet de classer actuellement quelqu’un dans la catégorie artiste plasticien : il est professionnel, il expose. Presque le contraire de l’écrivain… Avec la collection « En petite forme » on montre des artistes discrets qui sont aussi professeurs, designers, architectes, ayant une pratique mais qui n’en vivent pas forcément. C’est pour ça que ces petits leporellos (livres accordéon) sont très minimalistes, sans commentaires, un peu comme des cartes postales psychogéographiques intimes, des bulles qui remontent à la surface. Chacun est libre de s’ouvrir à ça ou pas.
En quoi André Dhôtel, pour qui « tout peut arriver à partir de rien », si important pour des écrivains comme Philippe Jaccottet ou Jean-Claude Pirotte, est-il une figure tutélaire pour votre maison d’édition ?
Il l’est plus qu’on ne peut l’imaginer : c’est un écrivain dont l’univers fonctionne parfaitement avec moi (j’ai besoin de lire un Dhôtel de temps en temps)....
Éditeur Le génie du lieu
septembre 2016 | Le Matricule des Anges n°176
| par
Philippe Savary
Fervent lecteur d’André Dhôtel, Alain Poncet a imaginé sa jeune maison d’édition, installée dans le Doubs, sous le signe de l’inattendu (littérature et art contemporain). Voyages en lisière.
Un éditeur