Patrick Varetz, du tragique au burlesque
Son œuvre forme un bloc compact auquel chaque livre publié (roman ou poèmes) apporte sa contribution. D’une vision sombre de la condition humaine qui inaugure sa production à la mémoire fantasmée de son alter ego qui suit, c’est par la langue que Patrick Varetz explore la sidération de vivre. Sans concession, mais avec la jouissance du verbe. Entrée dans la matrice.
Patrick Varetz, votre premier roman, Jusqu’au bonheur s’ouvre sur une citation de William T. Vollmann qui sonne comme un art romanesque chez vous : « Je prends le sens des choses où je le trouve ; si je ne le trouve pas, je l’invente. » N’y a-t-il pas dans cette phrase l’origine de votre projet romanesque ?
J’ai l’obsession – sans doute – de trouver un sens, une cohérence à l’existence. Et si cette intelligence du monde vient à m’échapper – ce qu’elle ne manque pas de faire depuis ma naissance –, je l’invente à partir du matériau chaotique dont je dispose. Romancier, je recrée – en l’imitant – le principe de la vie, établissant chaque fois les bases d’une vraisemblance et d’une temporalité qui me sont propres. L’essentiel de mon travail s’inspire pour l’heure du mythe des origines, qui accrédite l’idée de la victoire du Verbe sur les ténèbres. Dans Jusqu’au bonheur, qui est un livre très noir, nihiliste, j’explore pour commencer le postulat inverse : ce sont les ténèbres qui finissent par triompher, puisque le roman, basé sur le schéma d’une genèse à rebours, décrit les différentes étapes au cours desquelles le narrateur se défait pan après pan de son humanité pour rallier le bourbier indifférencié des origines, et parvenir ainsi au bonheur. Quand j’y réfléchis aujourd’hui, le roman semble dire qu’il faut plonger au plus noir de l’âme pour enfin laisser percer une voix – sa propre voix. C’est à la fois une métaphore du travail psychanalytique (le narrateur de Jusqu’au bonheur se prête d’ailleurs à un simulacre de confession qui s’y apparente), et une métaphore assez convenue de l’écriture. Les choses semblent ensuite s’arranger quand j’écris Bas monde, puisqu’il s’agit dans cette histoire de célébrer la naissance du Verbe en milieu hostile. Plongé dans un univers qu’il ne reconnaît pas pour sien, coincé entre la violence de son père et la folie de sa mère, un bébé – la voix sans doute de l’adulte qu’il est devenu – parvient cette fois à énoncer le monde jusqu’à le faire exister.
Dans ce roman inaugural, on entre dans une sorte de clinique concentrationnaire et l’humanité qu’on y rencontre semble maintenue en deçà de l’humanité. L’écriture vise-t-elle à dépouiller l’homme de tous ses faux-semblants, à le mettre nu dans sa pauvre condition ?
Jusqu’au bonheur tente de décrire un process de déshumanisation en partie inspirée des camps nazis, où il s’agit pour les théoriciens du bonheur et leurs bourreaux d’éradiquer le Je au profit d’un Nous indifférencié (ainsi les corps pareillement amaigris des concentrationnaires finissent dans une fosse...