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février 2017 | Le Matricule des Anges n°180 | par Pierre Mondot

Tu connais Enjoy Phoenix ?

 …

 C’est une youtubeuse. Et elle a sorti un livre. Peut-être, tu pourrais faire un article dessus ? »
Chiche.
Marie Lopez, alias Enjoy Phoenix donc, publie régulièrement sur internet de courtes séquences vidéos. Comme Jean-Luc Mélenchon, elle dispose de sa propre chaîne Youtube, et comme lui, chacun de ses enregistrements recueille chaque fois des centaines de milliers de vues. La jeune femme y cabotine aussi mais sans se mêler de politique, limitant son militantisme au parti de la frange insoumise. Son créneau, c’est le conseil beauté. Le tuto à l’intention des nubiles. Comment camoufler efficacement son acné ou comment boucler ses cheveux à l’aide d’un fer à lisser (mais bien sûr que si c’est possible).
Qui a dit que nombre des maux de la jeunesse actuelle provenait de son incapacité à s’ennuyer ? Un rapide coup d’œil sur les vidéos proposées suffira à réfuter cette idée sotte. Observer la rotation des chemises dans le tambour du lave-linge ne provoque pas moins d’hébétude (ni de gêne).
Le livre #Enjoy Phoenix paru à l’été 2015 s’est écoulé à deux cent mille exemplaires. Il fut réédité en format de poche à la fin de l’année dernière, dans une version enrichie par deux nouveaux chapitres.
Comme sur le web, l’auteure y traite des difficultés liées à la puberté : « Autant de chapitres que de problèmes d’ados », promet-elle. On trouve ainsi évoqués au fil des pages les cheveux, les boutons, l’orthodontie, l’argent de poche… Les conseils n’ont cependant rien de révolutionnaire. Contre l’acné, l’apnée : multiplier les activités pour penser à autre chose en attendant la fin du bombardement hormonal. Et relativiser.
La sagesse de Marie Lopez est héritée de la publicité. Ses principaux mantras reprennent les slogans des équipementiers ou ceux de la restauration rapide. Il faut « être soi-même » (Adidas) ou « venir comme nous sommes » (McDonald’s). Autrement dit, se déboutonner ; on y revient toujours.
Malgré la couverture rose, malgré ce pseudonyme festif et les bises envoyées au lecteur en conclusion des chapitres, une certaine mélancolie se dégage de la partie autobiographique de l’ouvrage. L’ombre de l’anathème énoncé par Nizan à l’orée d’Aden Arabie plane sur le texte.
Le collège que décrit Marie redessine les contours de la société d’Ancien Régime. On y retrouve les trois ordres : « les populaires » (l’aristocratie), « les intellos » (le clergé), et « le monde du milieu » (le tiers état), auquel la jeune fille se désespère d’appartenir. Elle se lamente : « j’avais l’impression de ne plaire à personne, de ne pas être intéressante. En somme, d’être une fille quelconque ». Difficile quand on s’appelle Marie Lopez d’échapper au déterminisme de l’anonymat. Et la confusion qui règne au foyer ne résout rien : « Mes deux frères l’appellent tata, ma maman. Mais ma sœur, elle, l’appelle maman. Normal, non ? C’est ça, les familles recomposées. (…) On ne sait plus qui est vraiment qui ».
Pareille solitude aurait pu ouvrir la voie d’une radicalisation express mais il faut croire que le niqab irrite la peau car plutôt que prendre le voile, l’adolescente choisit d’offrir son reflet aux yeux du monde. Elle amorce une carrière de poisson rouge, jette son bocal à la mer avant que miracle, des milliers d’alevins se reconnaissent dans ses circonvolutions. C’est la gloire.
Pour son livre, Marie s’est appliquée : « Une page d’écriture et trois jours de reconstruction, de découpages et de rectifications. » Elle s’efforce à plusieurs reprises de nous convaincre de l’authenticité de son œuvre : « Le clavier de mon ordi me brûle les doigts et un je-ne-sais-quoi me demande de continuer à taper sur les touches. » On la croit pour l’essentiel même si on fronce un peu à la lecture de certains passages. À la manière du professeur de français qui devine au travers d’un brusque changement de registre que les parents du cancre ont composé à sa place : « Fine bruine captée par ce piège de soie, spirale sur rayons, toile orbiculaire figée qui magnétise nos regards dans les matinées frileuses. » (non, mais sérieusement, Madame Lopez, vous croyez que c’est rendre service à votre enfant ?)
La critique, de toute façon, Marie s’en fiche. Et aux jaloux qui jugeraient présomptueux de se lancer si jeune dans le genre autobiographique, elle oppose un argument imparable : « Ose-t-on critiquer un adulte qui écrit des contes pour enfants ? »
C’est celui qui l’a dit qui l’est.
Bises.

Viens voir les comédons Par Pierre Mondot
Le Matricule des Anges n°180 , février 2017.
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