La théorie du tout serait pour les physiciens le Graal qui réconcilierait physique quantique et relativité générale. Au cœur du roman de Tom McCarthy, Satin Island, elle rendrait compte de toutes les interactions se produisant à la surface du globe terrestre.
Lancé à la recherche de cette utopie conceptuelle, son personnage, laconiquement nommé U., est son propre narrateur : il nous fait voyager du négatif du Saint-Suaire de Turin à New York, Staten Island, d’où le titre, qui en est une poétisation, car il s’agit d’un « grand dépotoir ». Anthropologue consultant pour une influente organisation internationale, dont le logo est une tour de Babel, employé pour sa « pénétration culturelle » au sein du « Projet Koob-Sassen », U. observe chaque détail d’un regard perçant et rêveur : écrans et « déversement de pétrole », « pli » deleuzien du jeans, comportements tribaux des individus, en vue de livrer « le Grand Rapport » essentiel et définitif sur notre temps. Ce passionné de Lévi-Strauss est censé être au service du conseil aux entreprises et aux gouvernements que dirige Peyman, tête pensante des tendances, qui leur fournit la connaissance de ce qu’il y a « de politique, structurel et sacré » en tout produit, en toute société. Moins qu’un roman, il s’agit d’une sorte d’essai spéculatif sur « l’avenir du savoir », d’un vaste recueil de poèmes en prose. L’écriture de Tom McCarthy est suggestive, précise et rêveuse. Peu d’action, hors l’étrange histoire de Madison, l’amie d’U., mais de borgésiennes strates méditatives s’élançant de toutes parts.
Thierry Guinhut
Satin Island, de Tom McCarthy
Traduit de l’anglais par Thierry Decottignies, L’Olivier,
208 pages, 20 €
Domaine étranger Satin Island
avril 2017 | Le Matricule des Anges n°182
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°182
, avril 2017.