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Domaine étranger Paris brisé

avril 2017 | Le Matricule des Anges n°182 | par Thierry Cecille

Autour du personnage de Jacques, Juif résistant qui commet, en 1941, un attentat contre des Allemands, Hanan Ayalti déploie une fresque à la fois historique et intimiste – passionnante.

Attendez-moi métro République

Après le détonant, le non-politiquement correct roman d’Igor Ostachowicz, cette nuit des Juifs-vivants qui voyait ressurgir, dans la Varsovie actuelle, les cadavres encore revendicatifs des Juifs du ghetto, les éditions de l’Antilope nous offrent une nouvelle découverte. Peut-être, comme cela fut la cas en 2004 avec la Suite française d’Irène Nemirovski, cette première traduction d’une œuvre d’Hanan Ayalti ne sera-t-elle pas la dernière, si ce roman rencontre le succès qu’il mérite. La comparaison avec la Suite française n’est pas fortuite : c’est de la même France, du Paris des années 30 puis de l’Occupation qu’il est ici question. Quant à Hanan Ayalti, il fut lui aussi un auteur prolifique – et engagé : né en 1910 en Pologne, il participa très tôt au mouvement socialiste alors florissant, partit vivre dans un kibboutz, dut quitter la Palestine pour échapper aux autorités britanniques, s’installa à Paris où il collabora à diverses organisations sionistes et devint un ami d’Hannah Arendt. Correspondant de guerre sur le front espagnol, il en revint avec un roman (après quelques textes en hébreu, il avait choisi d’écrire en yiddish) quelque peu désillusionné. Quand la France fut envahie, il décida de fuir avec sa femme et leur fils nouveau-né : il fut interné un temps dans le camp des Milles mais parvint à s’échapper. Réfugié à Montevideo, il y écrivit ce roman (daté « mai 1942-juin 1943 ») qui connut d’emblée un grand succès. Il s’installa ensuite à New York où il poursuivit son œuvre, jusqu’à sa mort en 1992.
Signalons d’emblée que l’écriture comme la construction du roman n’ont rien de révolutionnaire : on pourrait dire que l’efficacité mais aussi la justesse priment. Éléments descriptifs habilement dosés, dialogues vraisemblables, évocations et explications historiques entremêlées aux péripéties, tout concourt à une lecture aisée, qui nous porte sans encombre tout au long de ces centaines de pages. Le découpage en quatre parties est également parfaitement équilibré : la première et la quatrième, relatant les heures qui suivent l’attentat perpétré par Jacques Sokolovski, le héros, encadrent la deuxième et la troisième qui sont constituées d’amples retours en arrière, retraçant le destin de la famille de Jacques, des années lointaines dans le shtetl à ces heures noires de l’Occupation et du génocide qui a déjà commencé. Le père, Maurice, et son épouse Rachel quittent leur village polonais pour s’établir en France, ils doivent vivre d’abord, durant quelques années dans le pletzl, ce Paris juif entre Marais et République, mais peu à peu la réussite vient : dans les années qui précédent la guerre, Monsieur Sokolovski est devenu l’heureux propriétaire d’un magasin sur les Grands Boulevards et possède un appartement cossu. Jacques, tout comme sa sœur Hélène, peut donc faire des études et espérer poursuivre l’ascension familiale. Cependant alors qu’Hélène se passionne pour les milieux artistiques parisiens, Jacques, lui, s’engage toujours davantage, participe (dans le camps républicain bien sûr) à la guerre civile espagnole, subit la drôle de guerre, la débâcle et l’exode, avant d’entrer dans la Résistance.
C’est avec un intérêt soutenu que nous suivons les vies à la fois tragiques et admirables de ces personnages, et que nous voyons surtout renaître sous nos yeux ce Paris en partie disparu, à la fois prolétaire et cosmopolite, plein de l’énergie des combats pas encore totalement perdus. Se succèdent les scènes nombreuses, se croisent les personnages qui nous permettent de découvrir le quotidien de Germaine, le grand amour de Jacques, modeste vendeuse au corps libéré et à l’esprit alerte, les meetings du Front populaire, les discussions entre militants communistes quand la guerre est déclarée, la « cantine » juive où ceux qui sont – encore, pour peu de temps – en liberté viennent glaner de quoi survivre. Nous partageons l’angoisse de Jacques, l’attente d’Hélène qui, tous les jours, se rend à Drancy où son mari est emprisonné – et la solitude du père qui, tandis que sa femme parcourt la ville à la recherche du fils, se réfugie dans la lecture de L’Ecclésiaste et du Livre de Job  : « En effet nous sommes d’hier et nous ne savons rien, nos jours sur la terre ne sont qu’une ombre ! » Thierry Cecille

Attendez-moi métro République,
d’Hanan Ayalti, traduit du yiddish
par Monique Charbonnel-Grinhaus,
Éditions de l’Antilope, 447 pages, 23,50

Paris brisé Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°182 , avril 2017.
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